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La comparaison entre les arrondissemens riches et ceux où les pauvres sont en majorité démontre que l’aisance et l’éducation n’influent pas d’une manière appréciable sur le nombre des mariages. On compte moins d’hommes veufs que de femmes veuves. Est-ce une raison pour conclure que les chances de mortalité sont plus grandes en ménage pour le sexe masculin ? Nous ne le pensons pas. Beaucoup d’hommes renoncent à se marier par égoïsme ou par système ; mais dès qu’ils ont éprouvé l’intimité conjugale, il leur devient difficile de recommencer la vie de garçon, et ils ne tardent pas à rechercher de nouvelles unions. Les femmes, au contraire, impatientes de se marier quand elles sont jeunes, s’accommodent fort bien plus tard de cette indépendance qu’apporte le veuvage. Voilà pourquoi les actes de l’état civil accusent beaucoup plus de célibataires du sexe masculin que du sexe féminin, et pourquoi, en revanche, on trouve 54,000 veuves contre 17,000 hommes veufs et non remariés.

Chaque fois que l’horloge a compté vingt minutes, une existence s’éteint et un deuil commence. Pendant la période décennale qui s’est écoulée de 1820 à 1829, le nombre total des décès a été de 238,980, ce qui donne en moyenne un peu moins de 24,000 par année ; le nombre des femmes décédées a dépassé celui des hommes d’environ 4 pour cent. Pour la période qui commence à 1830, la moyenne peut être évaluée à 25,000 morts par année, soit environ 69 par jour. Une exception doit être faite pour les calamités accidentelles, comme la guerre civile ou les épidémies. Ainsi, nous comptons à part 688 personnes tuées dans les journées de juillet, 275 tuées dans la sanglante émeute du cloître Saint-Merry, et 18,602 victimes du choléra. L’histoire du fléau de 1832 est écrite dans les tables mortuaires que nous avons sous les yeux. Quelques cas éclatent dès le mois de mars, et aussitôt une frayeur aussi contagieuse, aussi funeste que la maladie, prédispose la population parisienne aux plus effrayans phénomènes. 12,733 victimes succombent en avril. On respire, on se sent renaître les deux mois suivans ; en juillet, une subite recrudescence emporte 2,573 personnes. Après cette seconde crise, le principe contagieux s’éteint progressivement, mais beaucoup plus lentement qu’on ne le suppose d’ordinaire : ainsi les états mortuaires signalent encore 505 cholériques décédés en 1833, et 25 en 1834. Il est à remarquer que la mortalité a été beaucoup moindre que d’ordinaire pendant les années qui ont suivi le choléra, comme si les funérailles de 1832 n’avaient été qu’une avance faite à la mort.

Sur les 24,057 personnes décédées en 1836, on en a compté 14,645