Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

obéissons à une loi générale ! et cependant cette loi existe, c’est elle qui nous fait agir, et d’autres que nous viendront plus tard en signaler l’existence et en apprécier la portée. C’est ainsi que l’évêque et les chanoines, tout en confiant la conduite des travaux à quelque maître d’œuvre laïque, parce que le temps le voulait ainsi, tout en le laissant bâtir à sa mode, lui auront recommandé de conserver quelque chose de l’ancienne église, d’en rappeler l’aspect en certaines parties, et de là tous ces pleins cintres dont l’extérieur de l’édifice est percé, de là ces grandes arcades circulaires qui lui servent de couronnement tant au dedans qu’au dehors. Il est vrai que les profils déliés de ces arcades les rendent aussi légères que des ogives : l’obéissance de l’artiste laïque ne pouvait pas être complète ; elle consistait dans la forme et non pas dans l’esprit.

C’est encore certainement pour complaire aux souvenirs et aux prédilections des chanoines que le plan semi-circulaire des transsepts aura été maintenu : la vieille église avait probablement ses bras ainsi arrondis, suivant l’ancien type byzantin : mais, tout en conservant cette forme, on semble avoir voulu racheter l’antiquité du plan par un redoublement de nouveauté dans l’élévation. Remarquez en effet que ces transsepts en hémicycle sont percés de deux rangs de fenêtres à ogive, tandis que, dans la nef, bien qu’elle soit évidemment postérieure, toutes les fenêtres sont à plein cintre.

Il est très probable aussi que la forme arrondie de ces deux transsepts a été conservée en souvenir de la cathédrale de Tournay, cette sœur de notre cathédrale. A Tournay, en effet, les deux transsepts byzantins subsistent encore aujourd’hui dans leur majesté primitive, avec leur ceinture de hautes et massives colonnes. En 1153, la séparation des deux sièges n’était prononcée que depuis sept années. La mémoire de ces admirables transsepts était encore toute fraîche, et c’est peut-être en témoignage de ses regrets, et comme une sorte de protestation contre la bulle du saint père, que le chapitre de Noyon voulut que les transsepts de sa nouvelle église lui rappelassent, au moins par leur plan, ceux de la cathédrale qu’il avait perdue. Cette conjecture s’accorde avec toutes celles qui précèdent ; c’est une explication de plus de ce mélange de traditions et d’inventions, de formes anciennes et de style novateur, qui est le caractère dominant de la cathédrale de Noyon.

Qu’on applique à tous les monumens de l’époque de transition les deux ou trois principes que nous venons d’émettre, et nous avons la presque certitude qu’après une étude attentive, précédée d’une sage