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elle-même, et ne l’obligeât à prendre les mesures indispensables pour sa propre sécurité.


« Ces remarques que l’empereur commande à votre excellence de communiquer en entier au ministère britannique serviront, je l’espère, à le contenter, et mettront dans son vrai jour la politique conservatrice et désintéressée de notre auguste maître. Notre attitude sera nécessairement réglée par la détermination définitive que le gouvernement britannique jugera convenable d’adopter. »


C’était là tout ; et, pour trouver dans cette lettre une réponse satisfaisante aux demandes qu’on allait soi-même écrire, il fallait une grande résignation. Cette humilité singulière, lord Palmerston sut encore l’obtenir de cet orgueil trop irritable que nous lui avons connu. Il écrivit le 20 décembre au comte Pozzo di Borgo, pour répondre à la note du 20 octobre, communiquée seulement le 11 du mois suivant, et donnée cependant comme réplique conciliante à la note anglaise du 26 octobre 1838.


« C’est avec grand plaisir que je me trouve à même de vous assurer que la communication par vous adressée au gouvernement de sa majesté lui a paru dans ses résultats généraux tout-à-fait satisfaisante (highly satisfactory ). Le gouvernement de sa majesté doit conjurer (deprecate) comme un grand malheur tout évènement qui tendrait à interrompre la bonne entente si heureusement établie entre les deux cabinets. »


Le comte Nesselrode répond très sèchement le 29 janvier 1839 :


« Ces explications ont apporté aux deux cabinets l’occasion de recevoir et d’offrir d’un côté comme de l’autre des assurances qui portent le caractère d’une juste réciprocité, et ne sauraient avoir de valeur qu’autant qu’elles se correspondent. Notre cabinet, en prenant note de ces assurances, attend qu’on lui fournira la preuve de leur entière réalisation (entire fulfilment). »


Le compliment dut sembler mince ; c’était une menace qu’on tenait en réserve. On attendait une meilleure occasion pour en poursuivre l’effet, et ce fut sans doute au traité du 15 juillet que la Russie réclama « l’entière exécution » de ces bonnes promesses dont elle avait daigné se paver jusque-là. Jusque-là elle avait su fort à propos fermer les yeux et prendre en patience tout le bruit que l’Angleterre faisait en Orient. Elle avait protesté, elle n’intervint pas ; c’est que l’Angleterre travaillait au profit de sa rivale. Au moment même où s’échangeaient encore ces témoignages de feinte confiance, le cabinet de Londres croyait achever un grand exploit, en décidant à la fin les évènemens d’Asie, en donnant une suite trop efficace à la funeste proclamation de