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se voir assis au trône de France avant d’avoir fait tomber la barrière qui le séparait de la nation. A cet égard, il y eut trois nuances diverses dans son langage, et chacune d’elles correspond aux différentes phases de sa vie.

Tant que vécut le duc d’Anjou, Henri évita autant qu’il le put de s’expliquer sur l’avenir, en ayant grand soin d’en présenter les éventualités comme très incertaines. A l’époque même où il était sans droit et sans prétentions prochaines au trône de France, n’ayant de force qu’à titre de chef du parti protestant, ses ménagemens pour ses coreligionnaires ne le firent jamais se départir d’une réserve dont on murmura plus d’une fois autour de fui. Devenu héritier de la couronne, nous l’entendons déclarer officiellement à la nation et aux trois états du royaume qu’il se soumet d’avance à la décision d’un concile oecuménique, et même, au besoin, à celle d’un simple concile national, et le calviniste Mornay est chargé de rédiger lui-même dans ce sens ses déclarations réitérées[1]. Enfin, quand le poignard de Jacques Clément lui aura frayé la voie du trône, et qu’il faudra rassurer la conscience du petit nombre de catholiques restés fidèles à son droit et à sa fortune, Henri annoncera solennellement l’intention de se faire instruire aussi promptement que le lui permettront les soins de la guerre. Il ouvrira, dès cette époque, une négociation directe avec Rome, et la seule question qui divisera les catholiques au moment de l’acte solennel de Saint-Denis sera celle de savoir si l’absolution peut être spontanément donnée par les évêques français avant l’assentiment de la cour pontificale. Si Henri IV ne s’était pas fait catholique, il fût resté, de son aveu, le chef impuissant d’une minorité, et jamais il n’aurait régné sur la France. Je ne sais pas, dans l’histoire, de fait plus avéré que celui-là.

On sait de quelles forces disposait l’association des villes et communautés de France au moment où la mort du duc d’Anjou vint donner Henri de Navarre pour successeur à Henri de Valois. Il y eut dans la ligue, à dater du jour même de sa fondation, deux intérêts qui se confondent dans l’histoire, mais qui n’étaient pas moins distincts par leur nature et leur tendance propre. L’un émanait de la résistance populaire à la réforme et se proposait un double but, le maintien de l’influence catholique dans le gouvernement et la suppression de

  1. Voyez entre autres, au tome II de la Collection des lettres-missives de Henri IV, la lettre à MM. de la faculté de théologie au collége de Sorbonne, 11 octobre 1585, et la Déclaration à MM. du clergé, de la noblesse et du tiers-état, 1er janvier 1586.