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Si M. Freiligrath s’est exécuté de bonne grace, si sa confession a été franche et complète, s’il a imprimé dans son recueil toutes les pièces publiées çà et là dans les journaux pendant les deux années qu’on lui reproche, son crime, en vérité, n’est pas irrémissible. Sa plus grande faute sera toujours, comme nous l’avons dit, de s’être laissé engager, par faiblesse, dans des embarras ridicules, et le plus fâcheux souvenir de cette faute, ce seront les strophes cruelles lancées avec tant de violence contre un homme qui adoucissait sa voix pour lui parler, et qui voulait, par des railleries aimables, par une ironie permise, l’attirer peu à peu dans les rangs de la liberté. Le poète a expié ses torts en réimprimant cette diatribe à côté des pièces nouvelles qui en feront mieux ressortir l’amertume factice ; c’est la punition qu’il s’est infligée à lui-même. Du reste, dans cette première partie, dans ce recueil tory, je ne rencontre, avec les vers contre M. Herwegh, que des pièces, un peu pâles peut-être, mais inoffensives, et où n’éclate aucun sentiment que doive répudier la muse convertie de M. Freiligrath. C’est un hymne sur l’exécution de Diégo Léon, ce sont des strophes écrites, il y a deux ans, à propos de la mort récente de Charles Immermann ; c’est une pièce intitulée les Vents, dans laquelle le poète, en comparant le souffle de la liberté à une douce haleine de printemps, à une tiède matinée de mai, semble maudire les vents irrités qui rugissent autour de lui et condamner la muse orageuse de M. Herwegh. C’est encore une élégie fort belle sur la poésie romantique ; le poète la rencontre aux bords du Rhin, dans les tours en ruines, dans les cimetières abandonnés ; ce fantôme pâle, éploré, cette femme en deuil, c’est elle ! Elle pleure un monde qui n’est plus, elle, veuve du moyen-âge. Le poète se jette à ses genoux, il l’implore, il lui demande quelques-unes des mystiques extases que ne connaît pas la bruyante activité du monde moderne. Vous croiriez que le rêveur renonce ici à l’esprit de son temps, et que c’est là une des pièces qui inquiétaient et irritaient ses confrères ; mais, non, il s’arrache bientôt aux séductions du passé et rentre dans la vie. Voilà, si l’on veut, une transition, et nous sommes amenés tout naturellement à la seconde partie du volume. Le trouvère a dit adieu aux ombres décevantes du moyen-âge ; la nuit mystérieuse de cette poésie voilée s’efface par degrés dans : son imagination ; l’aube blanchit déjà le sommet des collines, tout est prêt pour la journée ; nouvelle.

Bon Matin, bon Jour, c’est le titre même de la fraîche et gracieuse pièce qui ouvre la seconde partie, la partie importante, sérieuse, du livre de M. Freiligrath. La nuit, : sur les bords du Rhin, est peuplée de