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n’est pas une partie essentielle du procès, où c’est une tolérance, une grace, et quelle grace, bon Dieu ! la grace pour l’accusé de conférer avec son défenseur seulement en présence du juge, et la permission à l’avocat de défendre son client seulement dans les limites que l’accusation lui impose ! il existe un pays où ces iniquités sont inscrites solennellement dans le code, et les universités de ce pays sont peuplées de jurisconsultes éminens, et cette science dédaigneuse ne réclame pas contre la barbarie qui l’entoure ! Ce n’est pas tout : une partie de ce pays avait conservé nos lois, que lui avait données la révolution ; on a tout fait pour détruire dans les ames ces saintes notions du droit et de la justice. Peu à peu, dans l’ombre, par des coups détournés, on a enlevé à la loi française tout ce qui a pu lui être soustrait pour le rendre à la barbarie. Que de manœuvres en outre pour éloigner insensiblement les esprits, pour éteindre dans ces provinces le respect de cette législation ! que de vieilles rancunes excitées sourdement ! quel usage indigne de ces mots sacrés de patrie et de fierté nationale ! C’était une lutte ouverte entre les idées barbares et la lumière de la civilisation moderne. Cette lutte, le nouveau règne crut l’avoir menée si bien, qu’un jour, il y a deux ans à peine, il osa proposer aux états provinciaux du Rhin de substituer la loi prussienne au code français. Qu’eût-il fallu penser de l’Allemagne, si le ferme bon sens de l’assemblée n’eût repoussé ces insolentes prétentions ? L’idée même du droit était abandonnée et livrée volontairement. On ne pouvait craindre sans doute une telle résignation. La résistance a été ferme, mais cela ne suffit point encore. Ce n’est pas assez d’avoir maintenu la législation donnée aux provinces du Rhin par la France nouvelle, de l’avoir maintenue, toute mutilée qu’elle est ; il faut que l’opinion poursuive cette tâche avec calme, mais avec force ; il faut qu’elle commence par-là toutes les réformes sollicitées d’une manière ardente, mais trop vague et trop indécise. Voilà le point de départ nécessaire. L’opposition est ici sur un terrain solide où on ne peut la vaincre. S’il est vrai que cette cause n’est pas encore aussi populaire qu’on le désire, le poète qui chanterait ces vœux de tous les esprits éclairés accomplirait une œuvre efficace, populaire, l’œuvre d’un bon, citoyen. Oui, il faudrait à l’Allemagne un poète ému, généreux, éloquent, qui pût jeter à tous les échos ce grand cri de justice. Schiller, la flamme au front, n’eût pas manqué aujourd’hui à cette tâche glorieuse. Or, ces idées une fois bien établies, pense-t-on que la révolution politique ne deviendrait pas plus certaine, et que l’opposition constitutionnelle, plus nombreuse, plus autorisée, plus fortement