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couperai la ligne de l’ennemi en deux, et tous les retranchemens que nous n’aurons pas attaqués se trouveront tournés, et tomberont par ce seul mouvement. » Trois bataillons furent destinés à garder le bagage et les sacs des troupes qui devaient faire l’attaque. Le reste de l’infanterie reçut l’ordre de rouler dans le sac de campement, porté en sautoir, du biscuit pour deux jours et les cartouches que ne pouvait pas contenir la cartouchière. Chaque soldat reçut deux rations de viande qu’il fit cuire pour la mettre dans la poche. L’ambulance et les mulets à cacolets furent distribués, partie derrière le bataillon de tête, partie au centre, partie à la queue. Chaque chef de bataillon reçut l’instruction de prendre l’offensive contre les attaques de flanc, sans attendre l’ordre du commandant en chef. Nous passons sous silence les autres dispositions de détail.

Le 17, à deux heures du matin, la colonne, forte de 4,500 baïonnettes, 200 sabres et 6 pièces de canon, s’ébranla en silence pour aborder l’arête qui avait été choisie, et dont la route avait été soigneusement reconnue, afin de ne pas s’égarer dans l’obscurité.

On n’évaluait pas l’ennemi à moins de 20,000 hommes.

Il avait plu très fort jusqu’à minuit ; cette circonstance nous fut très favorable. Les Kabyles avaient quitté les premiers retranchemens pour s’abriter dans les villages qui se trouvent dans les pentes. Nous n’éprouvâmes de résistance que dans un village qui est à cheval sur l’arête, à peu de distance du sommet. Ce point fut enlevé par un bataillon de zouaves, et la tête de colonne atteignit bientôt la crête. Le jour paraissait alors ; toute la partie droite de l’ennemi, effrayée d’être ainsi isolée de la gauche, et voyant ses retranchemens pris à revers, abandonna ses positions.

Quatre bataillons, la cavalerie, une partie de l’artillerie, poursuivirent vivement et firent éprouver à l’ennemi de grandes pertes. Pendant ce temps, la partie gauche de la ligne prenait l’offensive sur quelques compagnies qui avaient été laissées dans un bois pour la contenir jusqu’à ce que la queue de la colonne pût arriver et opérer sur la gauche des Kabyles comme nous venions de le faire sur la droite.

Le général en chef, voyant la victoire décidée contre la droite, revint contre la gauche avec une partie des troupes victorieuses. Les Kabyles furent successivement débusqués de plusieurs positions fortes, et ils parurent un instant renoncer au combat : il était alors deux heures après midi. Les troupes étaient fatiguées : le général fit cesser le combat et établit le campement ; mais sur le soir, des renforts nombreux étant arrivés du pied nord du grand pic du Jurjura, les Kabyles