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et favoriser la réaction. Le premier de ces incidens eut lieu au sein du sénat. D’après la constitution, le sénat se compose au maximum d’un nombre de membres égal à la moitié de la chambre élective, c’est-à-dire de 62 membres. Sur ces 62 membres, le ministère Maurocordato en avait choisi 36 seulement. Or, sur 33 votans, le premier scrutin donna, pour une des vice-présidences, 17 voix à M. Tricoupi, membre du dernier cabinet, et ami intime de Maurocordato. De là un redoublement de colère dans les rangs de la majorité. Ce n’est pas tout. Au moment où le pays se calmait, quelques désordres eurent lieu à Hydra, à Syra, là précisément où l’influence des maurocordatistes était dominante, et l’opinion publique attribua généralement ces désordres à un plan arrêté à Athènes. Les maurocordatistes, disait-on, désespérant de revenir au pouvoir par la chambre, voulaient y revenir par le désordre. Prouver à l’Europe que sans eux il ne saurait s’établir en Grèce de gouvernement régulier, voilà quel était leur but, celui qu’ils poursuivaient, sans s’inquiéter le moins du monde du bonheur de leur pays. Une telle accusation est si grave, qu’on ne doit pas l’admettre légèrement ; mais elle trouvait crédit, et les étranges colères, les incroyables menaces de la légation anglaise semblaient encore la confirmer. Il résulte de là qu’après quelques oscillations, l’esprit de réaction l’emporta, et que la chambre sembla adopter pour principe un mot attribué par les journaux à un député de Sparte « Nous ne devons admettre que nos amis. » Non-seulement on cassa certaines élections après en avoir admis d’autres où se rencontraient précisément les mêmes irrégularités, mais, pour éviter les embarras et les chances d’une élection nouvelle, on alla quelquefois jusqu’à proclamer le candidat qui avait le moins de voix. Ainsi à Tinos, M. N. Vitalis avait été nommé par 866 voix contre 500 à peu près données à son concurrent ; mais M. N. Vitalis avait un cousin du même nom. Or, bien que ce cousin eût, avant l’élection, déclaré par une lettre aux électeurs qu’il ne se portait pas, bien qu’après l’élection les électeurs eux-mêmes eussent établi, par une protestation collective, qu’ils avaient bien entendu nommer M. N. Vitalis, la chambre jugea à propos de partager les 866 voix en deux moitiés, l’une pour M. N. Vitalis, l’autre pour son cousin, et d’admettre le concurrent qui en avait eu 500. C’est, on le voit, une manière commode et facile de grossir le chiffre de la majorité.

Une fois qu’on s’est engagé dans une telle route, on s’y arrête difficilement ; aussi la chambre ne s’y est-elle pas arrêtée. Voici, par exemple, comment elle vient de procéder pour faire elle-même députés