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On peut dire à ce sujet qu’ainsi qu’il est d’usage dans les pays aristocratiques et despotiques, où les jouissances de quelques-uns absorbent l’existence d’un grand nombre et où s’applique la maxime, humanum paucis vivit genus[1]…, la civilisation mexicaine avait en abondance le superflu et manquait souvent du nécessaire. La même réflexion se présente à l’esprit naturellement, à l’occasion d’un autre art que les Aztèques pratiquaient avec un grand succès, celui des étoffes de plumes. Le pays abonde, comme au surplus toutes les terres tropicales, en oiseaux au beau plumage. Ces plumes, artistement tressées au moyen d’une chaîne en coton et associées quelquefois au poil des animaux, formaient des tissus des couleurs les plus riches et les plus variées, d’un dessin fort correct, qui servaient à la parure des riches, à la tenture des appartemens et des temples. Cette industrie occupait beaucoup de bras, et il paraît que ce fut celle dont les produits firent le plus de sensation en Europe.

Un chef mexicain, aux jours de bataille, se parait, par-dessus sa cuirasse en or, d’un mantelet de plumes ; il portait un casque, tantôt en bois et en cuir, tantôt en argent, figurant la tête menaçante d’un animal qui servait de signe distinctif à sa famille, avec un panache de plumes à ses couleurs. Ses bras étaient garnis de bracelets ; un collier d’or et de pierreries lui descendait sur la poitrine. Plusieurs avaient un bouclier sculpté et bordé de plumes tressées. Leurs armes étaient les flèches, la fronde, le javelot, la pique, et le maquahuitl, sorte de glaive qu’on maniait à deux mains, comme les épées du moyen-âge, long d’un mètre environ, à deux tranchans formés de lames d’obsidienne fixées dans une barre de bois. Souvent la pointe des flèches et des piques était en cuivre. Ils se formaient en corps, en colonnes, et savaient défiler avec un certain ordre. L’Européen, la première fois qu’il se trouvait en présence de tels adversaires, jugeait aussitôt qu’il n’en aurait pas raison facilement. Cette pensée vint assaillir l’ame de Cortez, lorsqu’il fut face à face avec les Tlascaltèques, moins policés pourtant que les Mexicains et d’un luxe bien moindre, et moins bien armés, mais non pas moins vaillans.

Leur architecture était déjà monumentale. Le sol mexicain fournit différentes pierres d’origine volcanique, sortes de laves ou d’amygdaloides d’une grande résistance. Le tetzontli, de toutes ces pierres la plus employée à Mexico, est poreux et par conséquent léger, ce qui le rend très commode pour la construction, en même temps que la substance

  1. Le genre humain vit pour le bon plaisir d’un petit nombre. (Lucain).