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de la majorité, et par conséquent la combinaison Coletti-Metaxas, tandis que le Siècle est l’organe des napistes extrêmes, et le National des autochtones. Trois journaux enfin, généralement fort bien rédigés, la Minerve, l’Union et l’Espoir, semblent rester en observation et incliner, selon les évènemens, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Il est bon de dire que depuis les illégalités de la vérification des pouvoirs leur tendance la plus habituelle est vers l’opposition. De ces journaux, le Moniteur et le Courrier d’Orient sont rédigés tout en français ; l’Observateur, un des meilleurs et des plus impartiaux, en français et en grec. Il y a en outre un nombre considérable de journaux dans les provinces.

Deux chambres, dont l’une élue par la presque universalité des citoyens, des conseils locaux également électifs, une foule de journaux enfin, ce ne sont pas, on le voit, les instrumens de la liberté qui manquent en Grèce ; mais les instrumens sans l’esprit finiraient à la longue par faire plus de mal que de bien. Je l’ai dit, et, malgré des fautes passagères, je ne me dédis pas, les Grecs ont bien fait de se donner des institutions constitutionnelles ; mais pour que ces institutions vivent et prospèrent, il est indispensable qu’ils renoncent aux habitudes de la guerre civile, et que l’idée du droit remplace chez eux celle de la force. Il est indispensable qu’ils apprennent à se respecter les uns les autres, et à s’organiser en partis réguliers, non d’après des querelles personnelles, mais d’après quelques idées. Il est indispensable surtout que l’intrigue et l’or de l’étranger n’aient point accès parmi eux. Outre les habitudes de la guerre civile, outre les manœuvres de l’étranger, il y a d’ailleurs parmi eux une plaie profonde, et qui, si on ne s’en occupe pas, finirait par vicier le gouvernement représentatif tout entier. Ceux qui connaissent la Grèce comprennent que je veux parler du désir, du besoin de vivre aux dépens de l’état, au moyen d’un emploi rétribué. C’est ce besoin qui, pour diminuer la concurrence, a déterminé l’adoption du décret contre les hétérochtones. C’est ce besoin qui expose à la fois le ministère et l’opposition à des tentations si corruptrices. C’est ce besoin qui, chaque fois que le pouvoir change de mains, créée par tout le pays une si violente réaction. C’est ce besoin enfin qui va sans cesse décomposant et recomposant les partis. J’ai vu, pendant que j’étais à Athènes, l’embarras de M. Maurocordato pour répondre à tant de demandes, pour satisfaire à tant d’obsessions. La situation de M. Coletti a, dit-on, été plus difficile encore, et pendant les deux premiers mois de son ministère, quinze heures d’audience dans la journée ne lui suffisaient