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GOLDTHUMB. — Oh ! pour ce qui est de la Grande-Bretagne et du trident, j’en lève la main sans hésiter ; mais il se peut que je me trompe sur la manière dont ils étaient mis en rapport... Oui, certes, vos discours étaient de beaux discours, et, je l’ai toujours dit... toujours..., c’était une honte que l’on en vendît si peu.

SIR GILBERT. — Monsieur !

GOLDTHUMB. — Au reste, consolez-vous... Je puis vous garantir que, grâce à moi, ils ont fait leur chemin dans le monde. — Ah ! ah ! vous m’en pouvez remercier.

SIR GILBERT, à part. — Voilà un animal bien familier ! (Haut.) Çà, monsieur, sans oublier ce que je dois à votre obligeant patronage, ne pourrais-je connaître le motif qui vous amène ?... »


Ici Goldthumb explique qu’il s’agit de Florentine et de son enlèvement par Clarence Norman.


« — J’ai trempé quelque peu dans cette affaire, ajoute-t-il naïvement.

SIR GILBERT. — Vous ? Et de quelle manière ?

GOLDTHUMB. — C’est moi qui avais vendu à la petite les malles avec lesquelles elle s’en allait.

SIR GILBERT. — Les malles !...

GOLDTHUMB. — Les malles... En beau cuir noir, clous de cuivre. Et... — les choses s’arrangent quelquefois d’une façon bizarre !.. — faut-il vous dire avec quel papier ces malles étaient garnies ?

SIR GILBERT. — Gardez-vous-en bien... je ne suis pas curieux de le savoir. (A part.) Un layetier !... un fossoyeur littéraire !... Et j’ai voyagé sous ses auspices !... »


Nous ne vous donnons pas des plaisanteries de cet ordre comme la plus pure fleur du bel esprit, même du bel esprit anglais, tel qu’il respire dans les pages les plus pédantes d’Addison ou d’Horace Walpole ; mais elles constituent un échantillon assez exact du sarcasme un peu lourd, préparé à froid, plus délayé que de raison, dont on s’accommode chez nos voisins. Par ce seul motif qu’il serait peu goûté chez nous, ne le dédaignons pas au-delà de ses mérites. Sachons distinguer les qualités de pure forme et le fond même de la plaisanterie, la faculté de saisir un ridicule et celle de le mettre en relief avec plus ou moins d’habileté. Les Anglais, dont le bon sens observateur se révèle dans leurs romans, ne perdent pas à la scène cette qualité si précieuse. Ils voient aussi bien que nous, mieux que nous peut-être, la portée comique d’une faiblesse, d’une manie individuelle, mais ils n’ont pas ce tact si fin, cette mesure exquise, qui caractérisent le génie français, et tempèrent, allègent, concentrent notre ironie. Ils sont méthodiques, directs, explicites, ne connaissant ni les détours adroits de l’esprit qui se dérobe pour attirer, ni la grâce des sous-entendus, ni l’art des nuances