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peu de frais en Algérie. Les broussailles qui couvrent aujourd’hui le quart du terrain dévasté contiennent en très grand nombre des sauvageons d’oliviers, de figuiers, de citronniers, et de la plupart des arbres à fruit. Le colon intelligent et soigneux, après avoir reconnu les tiges qu’il veut conserver, défriche le terrain, sinon complètement, au moins dans un rayon convenable autour de chaque pied ; il anoblit ces arbustes par la greffe, il les transplante au besoin pour les distribuer à intervalles égaux : c’est ainsi qu’on a déjà vu des broussailles impénétrables se transformer en plantations verdoyantes. Avec les soins que M. Moll recommande, un praticien habile pourrait même créer une pépinière et en tirer un bon revenu.

Le premier de tous les arbres, celui dont les anciens ont fait l’emblème de la paix, est, en Afrique, le plus vivace et le plus généreux : c’est l’olivier. Ou le foule aux pieds dans les broussailles : dans les endroits long-temps épargnés par le feu, il se développe spontanément en épaisses forêts et donne des fruits sauvages qu’on peut néanmoins utiliser. Il n’a pas à craindre le froid, les insectes, les maladies qui rendent son produit incertain dans le midi de la France. Sa multiplication est facile, sa croissance rapide ; avec de bons soins, une plantation entre en rapport au bout de cinq à six ans. Les Kabiles ne savent ni greffer, ni tailler, ni fumer l’arbre précieux. Ils lui accordent rarement l’arrosage ; ils l’attaquent à grands coups de gaule pour lui ravir ses fruits ; ils laissent pourrir à moitié les olives et les écrasent entre deux pierres ; puis ils compriment le marc à la main pour en extraire l’essence goutte à goutte. Conservée salement dans des jarres de pierre ou dans des outres de peau de boue, cette huile y contracte une âcreté qui en fait un objet de dégoût pour les Européens, de sorte que celle qu’on exporte ne peut être utilisée que pour la fabrication des savons. D’ailleurs, la production des Arabes est très irrégulière : ils ont mis en vente 1,623,190 litres d’huile en 1844, et seulement 19,639 en 1845. Qu’à la pratique sauvage des indigènes succèdent les soins assidus, les manipulations économiques de nos départemens méridionaux, et une source de richesses sera ouverte. En France, où les conditions physiques sont médiocrement favorables, le revenu d’un hectare d’olivette est évalué en moyenne à 90 francs. M. Moll estime qu’en Algérie, en plantant 83 pieds par hectare dans un champ ensemencé, on obtiendrait dans dix ans un revenu d’environ 50 francs, sans préjudice du produit de ce même hectare en céréales ou en herbages ; mais il ajoute que le rendement s’élèverait progressivement avec le temps : il en juge pour avoir vu dans les environs d’Alger et de Bone beaucoup d’oliviers dont le produit annuel était de 10 à 12 francs par arbre. En réduisant à moitié, au quart, si l’on veut, ce chiffre éblouissant, il sera encore permis d’espérer que l’Algérie fournira un jour à sa métropole les 30 à 40 millions