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mêmes d’une dépêche du 22 août, à devenir le mari de la reine. Sur cette réponse, le gouvernement français témoigna son étonnement, et il déclara qu’il lui était impossible de s’associer à cette détermination.

Dans sa note du 5 octobre, M. le ministre des affaires étrangères ne dissimule pas que l’adhésion donnée au choix de l’un des deux infans était spécialement favorable à l’aîné à cause de sa position loyale, de la conduite parfaitement respectueuse qu’il avait toujours tenue envers la reine Isabelle et son gouvernement. L’infant don Enrique, malheureusement pour lui, n’avait pas pris une si convenable voie pour arriver à son but. Cependant d’augustes conseils ne lui avaient pas manqué. Quand ce prince passa à Paris, il reçut du roi de paternels avis, mais il n’en tint compte. Don Enrique a eu le malheur de tomber sous l’influence de la fraction la plus passionnée et la plus aveugle du parti progressiste espagnol, fraction qui a tout fait pour rallumer la guerre civile. Faut-il s’étonner dès-lors que le choix du gouvernement de la reine Isabelle ne soit pas tombé sur lui ? La France n’a rien imposé : les choses ont suivi leur cours naturel.

Passant à un autre ordre de considérations, M. Guizot rappelle que, dès l’origine de la question, le gouvernement français avait fait connaître les principes d’après lesquels il comptait se conduire. Le roi avait déclaré qu’il ne prétendait pour aucun de ses fils à la main de la reine d’Espagne ; en même temps il exprimait la confiance que la couronne d’Espagne ne sortirait pas de la maison de Bourbon. Le cabinet de Londres, à cette époque, se montra frappé des motifs qui dirigeaient la conduite de la France, et son langage donna lieu d’espérer au gouvernement français qu’il adressait à la cour de Madrid des conseils dans le même sens. M. Guizot articule un fait qui dans la question est des plus graves. Dès qu’il vit sérieusement apparaître des combinaisons qui faisaient craindre que l’époux de la reine ne fût pas pris parmi les descendans de Philippe V, il fit savoir, le 27 février dernier, à Londres et à Madrid, que, si ces combinaisons prenaient de la consistance, le gouvernement français se considérerait comme affranchi de tout engagement et libre de demander la main soit de la reine, soit de l’infante pour M. le duc de Montpensier. Cependant, au mois de mai dernier, le cabinet français apprit que des propositions avaient été faites par le gouvernement espagnol au prince de Saxe-Cobourg, pour marier le prince Léopold avec la reine Isabelle : le cabinet ne put ignorer que ces propositions avaient l’appui de M. Bulwer. Il en témoigna son mécontentement tant à Londres qu’à Madrid ; il reçut de lord Aberdeen les plus loyales assurances, mais lord Aberdeen sortit bientôt des affaires, et les informations du gouvernement français ne lui permirent pas de douter que le travail entrepris pour le mariage de la reine Isabelle avec le prince Léopold ne se poursuivit activement.

C’est alors que M. Guizot reçut communication de la dépêche que lord Palmerston avait adressée le 19 juillet à M. Bulwer. Dans cette dépêche, les candidats à la main de la reine se trouvaient réduits à trois, le prince Léopold de Cobourg et les deux fils de don François de Paule. Lord Palmerston, dans cette dépêche, mandait à M. Bulwer que le gouvernement anglais n’avait qu’à exprimer son sincère désir que le choix tombât sur celui qui pourrait le mieux assurer le bonheur de la reine et développer la prospérité de la nation espagnole. Ainsi on voit que la candidature du prince de Cobourg était mise au même rang que celle des infans ; les trois candidatures étaient confondues dans une même approbation.