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d’extirper. Ainsi les ayuntamientos et les gardes civiques avaient une action indépendante du pouvoir central. Comment gouverner dans de pareilles conditions ? La réforme de la constitution était donc une œuvre nécessaire dont l’accomplissement permet et assure aujourd’hui en Espagne le développement d’une sage liberté.

En ce moment, les cortès qui ont mené à bien ces deux questions considérables du mariage de la reine et de la réforme de la constitution sont dissoutes. De nouvelles élections appelleront bientôt l’Espagne à l’exercice de ses droits constitutionnels : qu’elle s’en serve en se maintenant pure de tout esprit de faction, avec une modération loyale et prudente. Aujourd’hui l’Espagne a ses destinées entre ses mains. Puisse la nation et son gouvernement se réunir dans une même pensée, la volonté sincère de fonder une véritable monarchie représentative ! Si l’Espagne n’avait pas assez de ses souvenirs les plus récens pour détester à la fois l’anarchie et l’arbitraire, qu’elle considère le Portugal.

Au reste, on peut remarquer déjà de l’autre côté des Pyrénées quelques élémens de régénération et de force. Il serait injuste de ne pas reconnaître que les mesures adoptées par M. Alexandre Mon pour donner à la Péninsule une organisation administrative et financière ont été heureuses sur plusieurs points. Une main ferme, celle du général Narvaez, a su reconstituer l’armée espagnole, dont la brillante tenue a vivement frappé M. le duc d’Aumale. L’Espagne compte en ce moment quatre-vingt mille hommes sous les armes. C’est maintenant sur sa marine que nous voudrions voir se tourner la sollicitude de ses administrateurs. Déjà quelques efforts ont été tentés. Dans ces derniers temps, le gouvernement espagnol a armé un vaisseau, le Soberano, et deux ou trois frégates. Nous n’ignorons pas toutes les difficultés que présente à l’Espagne la restauration de sa marine. Des arsenaux tombés en ruine, des officiers vieillis ou morts de misère sans avoir été remplacés, les traditions d’une longue expérience oubliées ou méconnues, tout cela, il faut en convenir, peut porter dans les esprits un assez sombre découragement. Cependant, quand on possède les Baléares, l’île de Cuba et les Philippines, on doit reconnaître la nécessité de créer une protection efficace pour ces riches annexes d’un grand empire. Minorque est ouvert de tous côtés à l’invasion, Cuba est cerné par les colonies anglaises. L’Espagne doit vouloir réunir dans ses ports les moyens de défendre d’aussi belles possessions, et les mettre à l’abri d’un coup de main. Elle peut compter avec quelque orgueil sur les ressources que lui offrent la richesse de son littoral et de sa population maritime, ainsi que la vigueur morale de ses habitans. La nation qui, au XVIe et au XVIIe siècle, a mis de si puissantes flottes à la mer, doit travailler à se créer un nouvel établissement naval sur des bases raisonnables qui soient en harmonie avec les besoins du présent. Tout ce qu’entreprendra l’Espagne pour arriver à ce but sera parmi nous, elle ne peut l’ignorer, l’objet d’une sympathie sincère. Il est en effet dans l’esprit et le rôle de la France d’applaudir aux intéressans efforts qu’ont faits depuis quelques années plusieurs états pour se donner une marine. La baie de Gènes et celle de Naples ont vu se rassembler, sous le pavillon sarde et sous le pavillon des Deux-Siciles, d’assez nombreux bâtimens de guerre, remarquables par leur tenue et leur organisation militaire. La marine autrichienne est loin d’être restée stationnaire. Un mouvement général pousse aujourd’hui les peuples