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leur retraite. Cette maladresse eut de terribles conséquences. Nos bâtimens commandaient si complètement la côte, que, si l’on eût exécuté à la lettre le plan du général, pas un Français n’eût échappé. Pendant la nuit, l’ennemi se replia sur le col de Montenotte, situé à environ huit ou neuf milles en arrière de Savone, et y rallia un corps de 2,000 hommes qui, défendait cette position. Au point du jour le général d’Argenteau, ignorant l’arrivée de ce renfort, attaqua le col avec 4,000 fantassins. Il fut repoussé et poursuivi. 900 Piémontais, 500 Autrichiens, des pièces de campagne, restèrent entre les mains des troupes françaises. On ne sait point encore le nombre des morts, mais le combat a été rude. Le 13 et le 14 avril, les Français ont forcé les gorges de Millesimo et le village de Dego, qui, malgré une belle défense, ont dû tomber devant des forces supérieures. Le 15 au matin, un détachement de l’armée autrichienne, sous les ordres du colonel Waskanovick (Wukassovich), posté à Sassello sur le flanc droit et un peu en arrière de l’ennemi, ou, comme nous dirions nous autres marins, par sa hanche de tribord, attaqua les Français à Speigno et les mit complètement en déroute. Non-seulement ce détachement reprit les vingt pièces de canon que les Autrichiens avaient perdues, mais il s’empara aussi de toute l’artillerie française. Malheureusement le colonel, voulant pousser trop loin ses avantages, alla donner dans le gros de l’armée ennemie et futent entièrement battu, après une résistance obstinée qui ne dura pas moins de quatre heures. Pour comble d’infortune, le général Beaulieu avait envoyé cinq bataillons d’Acqui pour soutenir ce brave colonel Waskanovick ; mais, hélas ! ils arrivèrent trop tard et ne servirent qu’à ajouter au triomphe de l’armée française. Les Autrichiens, dit-on, ont perdu environ 10,000 hommes tant tués et blessés que prisonniers. La perte des Français a été aussi très grande, mais, en fait d’hommes, ils n’ont pas besoin d’y regarder de si prés que les Autrichiens. Le général Beaulieu a maintenant retiré toutes ses troupes de la montagne et s’est campé dans la plaine entre Novi et Alexandrie. J’espère encore, si les Français l’attaquent dans cette position, qu’il pourra reprendre le dessus et leur donner une bonne leçon. »

Beaulieu, en effet, avait souvent manifesté cet espoir ; mais les événemens qui suivirent la bataille de Montenotte allaient le priver de l’appui de la Sardaigne et détacher de la coalition les vingt mille hommes du général Colli. Bonaparte, vainqueur à Mondovi, n’était plus qu’à dix lieues de Turin, quand le roi de Sardaigne consentit à lui livrer les trois places de Coni, Tortone et Alexandrie. La Sardaigne, à ce prix, obtint la conclusion d’un armistice qui fut signé à Cherasco le 29 avril 1796. « Cet armistice, écrivait Nelson, a été envoyé à Paris pour y recevoir la ratification des cinq rois du Luxembourg. Naples, de son côté, s’apprête à nous abandonner si nous avons la guerre, avec l’Espagne, et l’Espagne certainement se dispose à la guerre contre quelqu’un. Quant au général. Beaulieu, il est à Valence, avec un pont sur le Pô, pour assurer sa retraite dans le Milanais. »

Beaulieu ne conservera pas long-temps cette position : il a en face de lui un adversaire décidé à ne prendre de repos que lorsqu’il aura imposé la paix à l’Autriche. Nelson lui-même est ébloui : ces victoires