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qui contient l’ennemi du côté du vent, et il a rappelé à lui l’Excellent au moment où Collingwood allait se porter au secours de Nelson, mais quand l’engagement est mieux dessiné, quand la flotte espagnole éperdue lui livre une partie de ses vaisseaux, il comprend la nécessité de s’assurer ces premiers gages de sa victoire. Collingwood reçoit l’ordre de traverser la ligne ennemie, et cet ordre est exécuté à l’instant. L’Excellent engage d’abord le Salvador del Mundo, le dépasse et canonne le San-Isidro. Ces deux vaisseaux, déjà maltraités, amènent leur pavillon et sont amarinés par le Diadem et l’Irrésistible, qui suivent Collingwood. Au milieu de la mêlée, celui-ci cherche encore des compagnons à secourir, de nouveaux ennemis à combattre ; il cherche surtout des yeux le vaisseau de Nelson. Il l’aperçoit enfin échangeant avec le San-Nicolas des volées que le manque de munitions a rendues moins rapides. L’espace qui sépare ces deux adversaires semble laisser à peine passage à son vaisseau. C’est vers cet étroit intervalle qu’il le dirige : conservant au feu ce coup d’œil de manœuvrier qui le distingue entre tous les capitaines anglais, Collingwood range le San-Nicolas à portée de pistolet, et lui envoie à bout portant la plus terrible bordée que ce vaisseau ait encore reçue ; puis, continuant sa route, il va se joindre au Blenheim, à l’Orion et à l’Irresistible, contre lesquels la Santissima-Trinidad se défend encore.

En voulant éviter la bordée de Collingwood, le San-Nicolas s’est jeté sur le San-Josef, en partie démâté ; Nelson, qui a lui-même perdu son petit mât de hune, et qui craint d’être entraîne sous le vent, se décide a aborder ce groupe formidable. Son beaupré s’est engagé dans les haubans d’artimon du San-Nicolas, son bossoir de bâbord dans la galerie de poupe du vaisseau espagnol. Le premier qui en profite pour sauter à bord de l’ennemi est un ancien lieutenant de l’Agamemnon, le capitaine Berry, qui doit commander le Vanguard à Aboukir. Un des soldats que Nelson a ramenés de Bastia brise une des fenêtres de la galerie, et pénètre ainsi dans la chambre même du commandant espagnol. Nelson le suit, et, sur ses pas, se précipitent quelques hommes intrépides. D’autres se sont joints au capitaine Berry. Ils trouvent un équipage épouvanté et déjà réduit. Les officiers seuls, dignes d’un meilleur sort, opposent à cet assaut une vigoureuse résistance ; mais le commandant du San-Nicolas vient tomber mortellement blessé sur le gaillard d’arrière, et cet événement met fin à une lutte inégale. Pendant quelque temps encore, l’équipage du San-Josef, qu’anime l’amiral Francisco Winthuysen, dirige de la dunette et de la galerie de ce vaisseau, un feu nourri de mousqueterie sur les Anglais, déjà maîtres du San-Nicolas.Vains efforts ! l’amiral Winthuysen est bientôt atteint d’un coup mortel, et le San-Josef doit céder aux renforts que le capitaine Miller, reste à