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qui lui sert de base. Le revêtement seul, tant intérieur qu’extérieur, a apporté de l’autre côté du Nil. Belzoni pensait aussi que les matériaux des pyramides avaient été, au moins en grande partie, empruntés au rocher qui les porte, et cette opinion me semble la plus naturelle. Ajoutons qu’on a trouvé dans les carrières de Tourah des inscriptions hiéroglyphiques, et que la plus ancienne parle de l’ouverture des carrières sous, un Amenmehé, qui ne peut remonter plus haut que la XVIe dynastie. On n’a donc aucune preuve que les carrières de Tourah aient été exploitées sous la quatrième[1].

Le procédé par lequel a pu s’accomplir ce prodigieux travail est encore une question controversée. Diodore dit positivement que les Égyptiens n’avaient pas de machines, et il est certain que sur les monumens, en particulier sur les monumens funèbres, où sont représentées toutes les occupations et toutes les industries des Égyptiens, on n’a vu jusqu’ici nulle trace de la machine la moins compliquée. On a trouvé des poulies dans les tombes[2] ; mais il faudrait être bien sûr de l’âge des tombes où ces instrumens ont été trouvés pour prononcer qu’ils sont égyptiens et non pas grecs ou romains. On n’a donc pu découvrir aucune trace certaine de la mécanique égyptienne, et, jusqu’à nouvel ordre, le plus vraisemblable est d’admettre avec quelques restrictions le récit d’Hérodote. On voit encore les trous qui servaient à soutenir les échafaudages qu’il décrit, et les restes des plans inclinés au moyen desquels on a pu hisser, comme il le dit, les pierres jusqu’au sommet des pyramides. Il faut se rappeler que l’objet qu’on se propose au moyen des machines est de suppléer au nombre des bras. Je lis dans un traité de physique estimé : « Un homme ou un moteur quelconque[3] dont la force est d’ailleurs modérée, mais qui est toujours disponible, pourra en travaillant pendant une durée proportionnellement plus longue, produire l’effet que cent hommes, que mille hommes produiraient en un instant par leur action simultanée ; mais on préférera souvent n’employer qu’un seul homme et une machine, parce qu’il est souvent très incommode et très dispendieux d’en réunir un aussi grand nombre, et très difficile de les faire agir de concert. » Or, cela n’était nullement difficile aux Pharaons ; ils n’avaient donc pas besoin de recourir à ces machines qui font en employant moins de bras ce qu’eux produisaient par l’action simultanée d’un grand nombre d’hommes, action que le physicien cité plus haut déclare équivaloir à celle des machines. Mais comment les Égyptiens auraient-ils élevé de si grands monumens sans graver sur leurs faces un seul hiéroglyphe ? Hérodote parle d’une inscription

  1. Voyez Vyse, t. III, p. 94.
  2. Jomard, Recherc. sur les Pyr., 167. — Caillaud en a trouvé une à Thèbes. J’en ai vu moi-même une au aire, dans la curieuse collection de M. Rousset.
  3. Neil Arnott, Mécanique des Solides, I, 192.