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d’enthousiasme philosophique, M. Salvador passa de la science médicale à des études historiques. Frappé de l’ignorance, des préjugés qui régnaient même chez beaucoup d’hommes instruits au sujet du peuple hébreu et de son histoire, il commença de travailler avec une louable ardeur à les dissiper. Dès 1822, il fit paraître un premier travail sous le titre de Loi de Moïse, ou Système religieux et politique des Hébreux. Cet essai était assurément fort incomplet, néanmoins il décelait chez l’auteur une bonne foi et une indépendance de vues qui lui valurent l’estime des esprits sérieux. Encouragé par ce premier succès, M. Salvador consacra six ans à de nouvelles recherches, à de nouvelles méditations sur le même sujet, et, en 1828, il publia, en trois volumes, Une Histoire des Institutions de Moïse et du peuple hébreu. Cette fois, il se montrait animé d’une ambition plus grande et d’un esprit de système plus déterminé. Il voulait présenter un tableau complet de la civilisation hébraïque sous tous ses aspects, législation, sacerdoce, prophètes, richesses propriété, agriculture, industrie, administration de la justice, rapports avec les nations étrangères, institutions politiques, constitution de la famille, morale, philosophie, culte, traditions religieuses et poésie. Dans le dessein de l’auteur, cette vaste histoire était une double démonstration, il voulait prouver d’une part que la constitution fondée par Moïse n’était pas une théocratie, mais une nomocratie, et comme le type du gouvernement par la loi ; de l’autre, il se proposait d’établir l’identité de la philosophie chrétienne avec l’hébraïsme ; à ses yeux, l’Evangile n’avait pas un précepte de morale qui lui appartînt en propre, il avait seulement donné d’autres formes aux principes israélites On peut pressentir quelles qualités, quels défauts devait avoir un livre conçu dans de telles pensées. L’auteur donnait avec vigueur et clarté une physionomie nouvelle et vraie à plusieurs parties de la constitution et de la civilisation hébraïques, sur d’autres points, il s’égarait, emporté par ses préoccupations et par le désir de trouver dans l’hébraïsme l’idéal de toute perfection et de toute vérité.

Ni la révolution de 1830, ni l’ardeur des luttes politiques qu’elle amena, ne détournèrent M. Salvador de ses études et de son but. Certain de remuer des problèmes qui, tôt ou tard, devaient occuper les esprits, il entreprit l’histoire même du fondateur du christianisme[1]. Il aborda ce sujet si grand et si délicat avec une gravité, avec une mesure qui l’honorent. Même en beaucoup d’endroits les précautions et les ménagemens dont il a voulu se servir sont entre ses opinions et le lecteur comme une enveloppe difficile à percer Il faut ajouter aussi que, dans son livre sur Jésus-Christ et sa doctrine, M. Salvador est loin d’avoir cette possession complète de la pensée qui seule permet à l’écrivain de

  1. Jésus-Christ et sa Doctrine, 2 vol. in-8o ; 1838.