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départementaux. Les sciences chimiques sont également en progrès ; dans les grands centres industriels, à Lille, à Rouen, entre autres, on s’attache à leur donner une direction toute pratique, à les faire servir avant tout, au développement des industries locales. Les travaux de MM. Dupasquier et Bineau de Lyon, Laurent de Bordeaux, Gehrardt de Montpellier, Persoz de Strasbourg, jouissent auprès de l’Académie des sciences d’une juste estime. M Braconnot, directeur du jardin des plantes de Nancy, s’est fait connaître par d’excellentes recherches sur la chimie organique ; M. Ch. Kuhlmann de Lille a soulevé des questions tout-à-fait vitales, et il a même soutenu contre. MM. Berzelius, Liebig et Dumas, plus d’une polémique victorieuse. Quant aux physiciens, le nombre en est beaucoup plus restreint, et l’on ne trouve guère que MM Delzeque à Lille, Abria à Bordeaux, et Person à Dijon, encore faut-il faire cette réserve que leurs travaux sont relativement loin d’atteindre le même niveau que ceux des chimistes. Quelques recueils renferment aussi des travaux de mathématiques pures et de mathématiques appliquées. L’académie de Toulouse à deux sections de mathématiques, et cette science, exclusive comme ceux qui la cultivent, envahit presque entièrement les mémoires de la société de Metz.

En suivant ainsi à travers les diverses provinces le mouvement scientifique, on pourrait s’attendre, au premier abord, à trouver les membres du corps enseignant à l’avant garde et dans la réserve des forces intellectuelles, mais, nous le disons à regret, il n’en est pas ainsi, et à part quelques professeurs de facultés, dans la science comme dans la littérature, l’Université est en général d’une stérilité qui surprend. Si quelques hommes distingués s’égarent par hasard dans les départemens, ils y considèrent leur séjour comme un véritable exil et se préoccupent avant tout de leur rappel dans la capitale. Les autres se cantonnent dans le thème grec ou dans la version, dans le programme officiel du baccalauréat ; ils se croient quittes envers leur propre gloire par leur thèse de docteur ou la confection de quelques manuels. Est-ce le temps qui manque ? Nous ne décidons pas la question : nous nous bornons seulement à constater un fait évident et regrettable ; nous ajouterons encore que sans doute l’enseignement universitaire, dans sa constitution actuelle, ne répond pas à tous les besoins, car, dans un assez grand nombre de localités, les sociétés savantes ont organisé des cours publics et gratuits[1]. Ces cours ont été assidûment suivis, et il est peu probable que des hommes occupés pour la plupart d’intérêt graves se soient bénévolement imposé ce labeur, s’ils n’avaient point reconnu, dans la distribution de l’instruction,

  1. Les institutions les plus importantes de ce genre sont dues aux sociétés du Puy, de Metz, de Lille, de Pau, de Rouen, d’Évreux, de Brest, de Bordeaux et de Mulhouse. Les cours industriels de Metz, créés en 1836, comprenaient 13 sections différentes. On doit à la Société royale des sciences, de l’agriculture et des arts de Lille, des cours de physique, de chimie, de dessin linéaire, de zoologie, de géométrie et de mécanique appliquées, et à l’Association lilloise d’autres cours de philosophie morale, de littérature, d’hygiène, etc. A Pau, on enseigne la géologie pyrénéenne, le droit, la littérature, l’hygiène ; à Mulhouse, on enseigne le dessin linéaire, la mécanique et la chimie. Ces cours ont été très exactement suivis, et ils nous paraissent d’une utilité beaucoup plus grande que les cours des facultés, où l’enseignement scientifique est beaucoup trop élevé pour les auditeurs, et où l’enseignement littéraire ne sert le plus ordinairement qu’à amuser les oisifs et à exercer les professeurs à parler, en public.