Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/955

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toulon, un traité signé à Vienne par le ministre Thugut pour l’Autriche et le duc de Campo-Chiaro pour Naples régla le contingent que l’empereur François II et le roi Ferdinand IV s’engageaient à entretenir en Italie à la reprise des hostilités contre la France ; quelques mois plus tard, Paul Ier et la Porte-Ottomane entraient dans cette alliance, et l’Angleterre envoyait à Naples la flotte de Nelson. La reine crut le moment venu de se déclarer.


« Le brave, le vaillant amiral Nelson, écrivait-elle au marquis de Circello, son ambassadeur à Londres, a remporté sur la flotte régicide une complète victoire… Je voudrais pouvoir prêter des ailes au porteur de cette nouvelle… L’Italie n’a plus rien à craindre du côté de la mer, et ce sont les Anglais qui l’ont sauvée… L’annonce de cette glorieuse journée a produit à Naples un enthousiasme impossible à décrire. Vous eussiez été touché de voir tous mes enfans se jeter dans mes bras et pleurer de joie en apprenant cette heureuse nouvelle, doublement heureuse par le moment critique où elle nous est parvenue. La crainte, l’avarice et les pernicieuses intrigues des républicains avaient fait disparaître tout le numéraire, et il ne se trouvait personne ici qui eût le courage de proposer les moyens nécessaires pour en rétablir la circulation… Bien des gens, qui croyaient une crise prochaine, commençaient déjà à lever le masque ; mais, en apprenant la destruction de la flotte de Bonaparte, ils sont devenus plus circonspects. Que l’empereur déploie maintenant un peu d’activité, et nous pouvons espérer la délivrance de l’Italie ! Quant à nous, nous sommes prêts à nous montrer dignes de l’amitié et de l’alliance des intrépides défenseurs des mers. »


C’est au millet de cette exaltation que, le 22 septembre, Nelson arrive à Naples avec le Vanguard ; aussitôt on l’entoure, on le félicite, on l’embrasse Le roi veut l’aller visiter lui-même. « Croyez, lui écrit la reine, mon valeureux et glorieux général, que ma reconnaissante estime pour vous m’accompagnera jusqu’au tombeau. » Lady Hamilton, qu’un calcul ambitieux, peut-être aussi l’attrait d’une grande gloire, portaient déjà à prodiguer à Nelson un funeste encens, accourue au devant du Vanguard avant qu’il ait jeté l’ancre, ne peut résister à son émotion. Elle s’élance sur le pont du vaisseau et tombe évanouie dans les bras de l’amiral. Le roi l’appelle son sauveur, la cour le proclame le libérateur de l’Italie, la foule, qui se précipite sur les quais au moment où son canot entre dans le port, le salue des mimes titres et répète les mêmes cris d’enthousiasmé. C’était là une trop forte épreuve pour cette nature naïve et ardente, pour cet homme simple et passionné qui, ayant moins vécu dans le monde que sur ses vaisseaux, se présentait sans défense à toutes les séductions de la grandeur, de la flatterie et de l’amour. Le vainqueur d’Aboukir, l’époux de l’aimable veuve du docteur Nisbett, à qui les misères de cette basse corruption italienne n’avaient d’abord inspiré qu’un profond dégoût, et qui appelait Naples « un pays de musiciens et de poètes, de voleurs et de femmes perdues, » fut bientôt complètement subjugué par les charmes de lady Hamilton.