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cœur des ministres de ce pays : Ce sont les mesures les plus hardies qui sont les plus sûres ! »

C’est ainsi que Nelson croyait sauver la monarchie napolitaine. Il était homme à jouer un royaume aussi résolûment qu’une flotte, et trouvait malheureusement dans la reine un fatal penchant pour cette initiative imprudente. Suivant lui, il fallait se jeter à l’improviste sur les états du pape, y surprendre nos bataillons dispersés, faire la guerre avant de la déclarer. Tels étaient les conseils que par la bouche de lady Hamilton il fit souvent entendre à la cour de Naples. Des émigrés romains y joignaient leurs excitations et promettaient à l’armée d’invasion le concours d’une multitude fanatique. De tous les ministres, Acton était le seul qui appuyât ce projet périlleux dans le conseil. Le marquis de Gallo et le prince Belmonte Pignatelli, plus sages et mieux instruits de la situation de l’Europe, s’y opposaient de tout leur pouvoir. Nelson ne pouvait leur pardonner cette honnête résistance. « Ce marquis de Gallo, écrivait-il à lord Spencer, je le déteste. Il ignore les plus simples égards. Sir William Hamilton vient de découvrir qu’un messager part pour Londres dans une heure, et cependant j’ai passé hier une partie de la soirée avec ce ministre sans qu’il m’en ait dit un seul mot. Il admire ses cordons, ses bagues, sa tabatière. En vérité, en le faisant ministre, on a perdu là un parfait petit-maître. »

Deux considérations majeures s’opposaient cependant à l’entrée en campagne des troupes napolitaines. On n’avait ni argent pour les payer, ni général à mettre à leur tête. Le général, on l’avait demandé à l’Allemagne ; l’argent, à cette inépuisable source de tous les subsides, l’Angleterre « J’ai dit à la reine, écrivait Nelson au comte Spencer, que je ne croyais pas que M. Pitt pût exiger de nouveaux sacrifices du pays en ce moment, mais qu’assurément, si l’Angleterre voyait ce royaume faire de courageux efforts pour échapper à la destruction dont la France le menace, John Bull ne resterait pas en arrière et, ne laisserait pas ses amis dans la détresse. » Avec cette espérance et l’arrivée du général Mack parurent s’évanouir les derniers scrupules de la cour. Mack, à qui l’avenir réservait de si singulières mésaventures, et qui, après avoir perdu un royaume en quinze jours, devait, quelques années plus tard, capituler avec une armée, Mack passait alors pour un des meilleurs généraux de l’Europe. Il fut reçu à Naples comme le génie tutélaire des Deux-Siciles. C’était, un homme froid et grave, avare de longs discours, laissant tomber chacun de ses mots comme un oracle. Il promit d’écraser l’armée française, et on le crut sur parole.

Naples allait donc avoir l’honneur d’ouvrir cette nouvelle campagne. Le Piémont, excité à seconder ce mouvement, devait s’insurger sur les derrières de notre armée ; un corps de troupes, transporté à Livourne sur les vaisseaux anglais lui couperait la retraite. Tout était préparé