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étaient donc à la veille de tomber au pouvoir de l’ennemi : l’intérêt qu’excitaient ces possessions importantes s’effaçait cependant devant un regret plus amer. L’armée d’Égypte semblait à jamais perdue pour la France. Etaient-ce les 2 vaisseaux vénitiens et les 8 frégates bloqués dans Alexandrie par l’escadre du capitaine Hood, le Guillaume-Tell retenu dan le port de Malte, le Généreux conduit par le capitaine Lejoille de Corfou à Ancône, qui eussent pu frayer un passage à nos troupes à travers les escadres anglaises ? Les flottes réunies de la France de l’Espagne eussent à peine justifié cette tentative.

Loin de s’endormir dans une fausse confiance, le gouvernement britannique, depuis le combat d’Aboukir, redoublait d’activité. Les vaisseaux qui venaient de combattre sous les ordres de Nelson avaient été réparés à Gibraltar ou à Naples, et l’Angleterre, au commencement de l’année 1799, comptait à la mer 105 vaisseaux de ligne et 469 croiseurs. Ces 105 vaisseaux étaient presque tous employés dans les mers d’Europe et prêts à s’appuyer mutuellement à la première alarme. L’amiral Duncan, avec 16 vaisseaux anglais et 10 vaisseaux russes, veillait à la sûreté des convois de la Baltique, et s’opposait à la sortie des débris de l’escadre hollandaise mouillés au Texel. Lord Bridport croisait devant Brest, et lord Keith remplaçait devant Cadix le comte de Saint-Vincent, que l’état de sa santé retenait à Gibraltar L’ennemi était donc en force sur tous les points, et jamais notre situation maritime n’avait semble plus désespérée.

Sur le continent, la république était encore triomphante. En trois jours, le Piémont avait été occupé par nos troupes, et le 10 janvier 1799, un armistice, sollicité par le prince Pignatelli, livrait Capoue à l’armée de Championnet. Le 22 du même mois, cette armée était aux portes de Naples. Depuis le départ du roi, une popuplace en démence épouvantait de ses excès cette malheureuse ville. Le prince Pignatelli s’était enfui après la conclusion de l’armistice, le général Mack s’était réfugié dans le camp français, et les chefs que s’était donnés le peuple s’efforçaient vainement de l’apaiser et de le contenir. Championnet arrivait à propos pour sauver Naples des fureurs de ses habitans : maître de cette ville après deux jours d’une lutte opiniâtre, ce général songea à y rétablir l’ordre et la sécurité. La sagesse de ses dispositions eut bientôt calmé les ressentimens de la multitude, et le gouvernement qu’il institua sous le nom de république parthénopéenne obtint l’assentiment de la plupart des villes des Abruzzes et de la Calabre.

Déconcerté par la rapidité de cette conquête et croyant la famille royale éloignée pour long-temps du trône de Naples, Nelson songea à presser plus vivement le siège de Malte. Les récentes prétentions que venait d’afficher la Russie au sujet de cette île lui en faisaient un devoir. Paul Ier, succédant au baron de Hompesch, avait accepté le titre