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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/391

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M. Coletti et le cabinet qu’il préside ont une incontestable majorité. L’opposition avait pris thème de certaines irrégularités qui s’étaient glissées dans les mercuriales des principaux marchés du royaume que le gouvernement doit publier tous les mois, pour accuser le ministre des finances de falsification des documens officiels et de perception illégale. L’accusation n’avait pas le moindre fondement, l’opposition elle-même ne l’ignorait pas ; mais elle y voyait un moyen de harceler non pas tant le ministre des finances, M. Ponyropoulo, que le président du conseil, M. Coletti. Le débat a si fort tourné à la confusion des opposans, qu’un des plus vifs d’entre eux, M. Lycurgue, a cru devoir protester à la tribune de son respect pour le caractère de M. Coletti et la droiture de ses intentions. La mise en accusation du ministre des finances a été repoussée par 64 voix contre 43 ; il y a donc eu en faveur du cabinet une majorité de 21 voix. Cet épisode parlementaire s’est passé au milieu des préoccupations qu’inspirent au gouvernement grec l’attitude de Constantinople et surtout le mauvais vouloir de l’Angleterre, qui menace Athènes de ses vaisseaux et d’une descente au Pirée. Le gouvernement grec parait résolu à lui opposer une résistance passive, et à protester devant l’Europe contre les violences qui lui seraient faites. L’Europe pourra juger entre la conduite du gouvernement anglais venant mettre la main sur le trésor, sur les finances de la Grèce, et celle de la France, qui prend encore à sa charge aujourd’hui pour sa part afférente le paiement des intérêts et de l’amortissement de l’emprunt grec. Le ministre des finances, en demandant à la chambre un crédit de 527,241 francs pour le paiement du semestre échu le 1er mars 1847, insiste sur l’impossibilité où se trouve le gouvernement grec de distraire aucune partie des recettes pour l’affecter à l’acquittement direct de l’emprunt et même au remboursement des avances faites par les puissances. L’Angleterre au contraire s’en tient à la lettre de son contrat : elle veut être payée, dussent ses exigences précipiter la ruine de la monarchie qu’elle a élevée, il y a vingt ans, de concert avec la France et la Russie.

Nous avons à signaler aujourd’hui un changement, un progrès assez imprévu dans la situation d’une des provinces danubiennes ; nous voulons parler de la Valachie. On se rappelle qu’un des premiers actes de l’hospodar Bibesco, qui était parvenu au pouvoir à la faveur de ses protestations et de ses promesses libérales, avait été de rompre avec ses anciens amis et de fermer l’assemblée valaque pour en mettre la clé dans la poche des Russes, comme on disait à Bucharest. La réaction contre l’influence russe fut alors unanime parmi les Valaques ; elle fut poussée si loin, qu’on les vit témoigner aux Turcs de l’amitié, de la confiance, et les supplier de venir au secours de la constitution menacée de périr. Il y eut enfin en Valachie un parti turc. Le divan, qui d’ordinaire sait fort peu ce qui se passe de ce côté du Danube, accorda pourtant son attention à cet appel fréquemment répété, et, dans son voyage en Bulgarie, le sultan usa de son droit de suzeraineté pour intimer au prince Bibesco l’ordre de rouvrir l’assemblée. La Russie ne s’y opposa point ostensiblement. À l’en croire, elle avait ignoré l’étendue du mal ; son consul, en s’associant étroitement aux méfaits du prince Bibesco, avait dépassé ses instructions : il avait mal informé son gouvernement, dont l’innocence était complète. Force a été au prince Bibesco de faire acte de soumission ; et la Russie, de son côté, a reculé d’un pas en frappant d’une disgrace apparente ou réelle l’agent qui l’avait servie avec un succès