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Nople. Que cette infraction aux usages soit volontaire ou qu’elle vienne de l’inexpérience, elle est fâcheuse, car elle peut créer une difficulté de plus. Toutefois cette question disparaît dans l’importance de la première. Assurément, le progrès pacifique et régulier d’un royaume taillé dans l’héritage de Mahomet II n’est point, pour les Osmanlis, un spectacle agréable, surtout s’ils songent que la Grèce politique, celle des protocoles et des traités, n’est point véritablement toute la Grèce morale, et que ces deux parties d’un même tout peuvent se réunir un jour. Il est naturel aussi que le royaume nouveau se trouve gêné dans les limites qu’on lui a imposées. Il y a dans ces sentimens réciproques un obstacle permanent à l’entretien de relations amicales entre ces deux cabinets : s’ils veulent s’entendre, ils sont obligés, l’un de faire taire ses ressentimens et ses inquiétudes, l’autre de cacher ses vœux et ses espérances. Cependant leur bonne entente est leur premier intérêt dans l’état actuel de l’Orient et en face d’une grande puissance qui a si bien profité jusqu’ici des révolutions de l’empire turc. Les Hellènes, plus avancés politiquement que les Serbes, les Bulgares, les Moldo-Valaques, ont la même politique à suivre pour les mêmes raisons. Le statu quo est pour eux en ce moment le seul moyen de progrès. De son côté, la Turquie doit aux chrétiens de l’empire et au royaume grec en particulier une bienveillante justice qui est pour elle une condition d’existence.

Mais ne voilà-t-il pas l’Italie pontificale qui, à notre grande joie, mêlée de quelque surprise, va figurer à son tour parmi les pays constitutionnels ! Le secrétaire d’état cardinal Gizzi vient d’adresser aux sujets romains une proclamation dans laquelle il leur annonce la prochaine réunion à Rome d’une consulte où- siégeront des députés nommés par l’autorité municipale. Chaque ville importante des états romains enverra trois députés à la consulte, qui délibérera sur tous les sujets d’intérêt général. On peut juger de l’enthousiasme avec lequel a été reçue la nouvelle d’un pareil bienfait. Il n’y a eu qu’un cri de reconnaissance pour le pape qui sait si bien comprendre et satisfaire les besoins des populations soumises à son autorité. Dans les sentimens et les pensées qui ont inspiré ces mesures, il y a plus que le désir, d’ailleurs fort naturel, de conserver et d’accroître la popularité acquise ; il y a une habileté profonde. Le pape, en appelant autour de lui les mandataires élus des intérêts généraux des populations, se crée un point d’appui, des forces qui lui permettront de mener à bien toutes les réformes dont il sent si vivement la nécessité. Désormais la régénération séculière de l’administration romaine est possible. L’institution de la consulte, de cette espèce de représentation nationale, aura le double effet de consolider la puissance morale du pape, et d’améliorer enfin le sort des populations gouvernées par le souverain pontife.

En passant en revue les questions principales qui agitent et passionnent les différens peuples, nous voyons, dans le Nouveau-Monde, la question de l’esclavage grosse d’orages politiques. Si pour quelques grands états de l’Europe, pour la France, pour l’Angleterre, le problème de l’esclavage a, relativement à leurs colonies, des difficultés qu’il faut résoudre avec habileté et patience, et dont tout récemment nous retrouvons la trace dans les débats de notre chambre des députés, ce problème a dans le Nouveau-Monde et notamment pour la république des États-Unis une bien autre importance. Là, entre les états du nord et les états du sud, la question de l’esclavage est un véritable champ de bataille ;