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d’après l’abus qu’il a fait trop souvent de la confiance de Champollion, on a tout lieu de croire que ce dernier est pour beaucoup dans la traduction de Salvolini[1]. Cette traduction montre la vérité de ce que Champollion disait des inscriptions tracées sur les obélisques dans ses Lettres sur l’Égypte : « On sait déjà (c’était grace à lui) que, loin de renfermer, comme on l’a cru si long-temps, de grands mystères religieux, de hautes spéculations philosophiques, les secrets de la science occulte, ou tout au moins des leçons d’astronomie, ce sont tout au plus des dédicaces plus ou moins fastueuses des édifices devant lesquels s’élèvent les monumens de ce genre. » Celui-ci, en effet, dit, comme son frère de Paris, que le Pharaon Ramsès II, fils du soleil, approuvé par le soleil, dieu bienfaisant, maître du monde, vainqueur des peuples, etc., a réjoui Thèbes par des édifices grands et durables. Cette pompeuse inscription est un peu vide, mais du moins elle donne l’âge de l’obélisque, et nous apprend aussi que l’édifice à l’entrée duquel il s’élevait fut bâti par Ramsès-le-Grand. En somme, tout cet appareil d’hiéroglyphes gravés sur notre obélisque de la place Louis XV, pour provoquer l’ébahissement des badauds et le scepticisme des incrédules, ne contient guère qu’une date dans un protocole ; mais cette date est quelque chose, car c’est celle de Sésostris.

Quatre colosses de trente pieds sont placés contre le pylône, auprès des obélisques. Ce sont des portraits de Ramsès-le-Grand. La tête et le buste des colosses s’élèvent au-dessus du sable dans lequel leur corps est enfoui. Sur les massifs du pylône sont retracées des scènes de bataille analogues à celles qui représentent les victoires de Séthos à Karnac. Le fils a voulu, comme le père, écrire et figurer sur son monument le récit de ses conquêtes. Champollion, qui, le premier, a lu quelque chose des longues inscriptions tracées près des tableaux de batailles, y distingua les narrations et comme les bulletins de deux affaires différentes dans la même campagne, l’une et l’autre de la même année, la cinquième de Ramsès, et du même mois (epiphi), mais la première du. 5 et la seconde du 9. Et il y a des personnes qui doutent encore que la lecture des hiéroglyphes puisse servir à l’histoire !

Outre les deux époques principales auxquelles se rapportent les édifices de Louksor, l’époque d’Aménophis III de la dix-huitième dynastie et l’époque de Ramsès II de la dix-neuvième, quelques inscriptions hiéroglyphiques font connaître les réparations qui ont eu lieu à diverses autres époques : la plus curieuse est celle que fit aux jambages de la grande porte de l’édifice de Ramsès le roi éthiopien Sabaco, huit siècles avant Jésus-Christ. « Les bas-reliefs où figure ce roi étranger sont très curieux sous le rapport du style, dit avec raison Champollion. Les figures en sont fortes et très accusées, avec les muscles vigoureusement

  1. M. Lenormant a publié un essai de traduction qui lui appartient bien véritablement.