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avec lui durant sa jeunesse, et c’est toujours là le point de contact où tous se retrouvent. M. de Stolberg et M. de Gerlach à Berlin, M. Bunsen et M. de Radowitz, fixés par leurs postes diplomatiques l’un à Carlsruhe et à Francfort, l’autre à Londres, tous différens de mérite, d’humeur et même de confession, M. de Gerlach piétiste modèle, M. de Radowitz, catholique-ultramontain, tous se trouvent ainsi réunis dans la faveur royale par une sorte de fraternité d’intelligence. Il est un attrait cependant plus puissant encore que cette fraternité sur le cœur de Frédéric-Guillaume, c’est la gloire aimable de M. de Humboldt : l’indispensable ami du roi, c’est toujours cet illustre et charmant vieillard, le plus précieux intermédiaire qu’aient jamais eu l’Allemagne et la France, le plus spirituel libéral qui ait jamais osé habiter une cour. Se plaire au voisinage d’un pareil contradicteur, n’est-ce pas le signe certain d’une supériorité véritable ?

A côté du roi, sur la première marche du trône, n’oublions pas le prince de Prusse, le second fils de Frédéric-Guillaume III, l’héritier présomptif de la couronne. Soldat dans l’âme, il croit encore qu’il suffit d’être un soldat pour régner. Résistant par conviction aux expériences constitutionnelles de son frère, cédant par déférence, il s’engage le moins qu’il peut à la suite d’un souverain dans lequel il est bien obligé de voir un prédécesseur. Caressé fort habilement à Saint-Pétersbourg, où l’on essaie de lui donner plus d’importance que lui-même aujourd’hui ne voudrait et ne pourrait en prendre, il répond à ces avances avec plus de circonspection qu’on ne l’attendrait de ses penchans. Très opiniâtre, sinon très, ferme, mais loyal avant tout, il rassure jusqu’à certain point par la probité de sa conscience ceux qui craindraient les contre-coups de sa mauvaise humeur pour l’avenir des nouvelles institutions qu’il a tant bien que mal acceptées. J’appréhende les parallèles et je ne me mêle pas de prophéties, mais on pourrait peut-être se hasarder à dire que Frédéric-Guillaume IV est un peu, dans la situation actuelle de la Prusse, ce qu’était Louis XVIII dans celle de la France, qu’il est aussi un arrangeur de moyens termes, et qu’il octroie à l’allemande sa charte de Saint-Ouen, une charte qui aura, comme la nôtre, son article 14, plus dégagé seulement et moins ambigu. Il faudrait alors ajouter que le prince de Prusse semble tout fait pour recommencer Charles X, ceci, bien entendu, par manière d’éclaircissement et sans prévision de sinistre augure.

Auprès du futur souverain, il est d’ailleurs une princesse dont la seule présence est une garantie contre toutes les chances mauvaises. La princesse de Prusse, digne fille de Weimar, continue noblement les traditions de sa famille. Elle a mis sa gloire à rassembler sous son gracieux patronage tout ce qu’il y avait dans Berlin de mérite et de distinction. Sans pédantisme et sans effort, sans blesser aucune des difficiles