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dans les salles de la Société de civilisation. Depuis ce temps, ils ont gagné un terrain considérable, et aujourd’hui ils sont en majorité dans le consistoire de Paris, où ils font une propagande active par les livres, les journaux, et même, autant qu’ils le peuvent, dans les maisons particulières, où ils vont lire la Bible et chanter des psaumes[1].


Nous venons de faire la part de ce qu’on pourrait appeler la théologie officielle et légale, c’est-à-dire la théologie des cultes reconnus et salariés par l’état, des cultes qui ont des temples, des ministres, des fidèles. Pour en finir avec la littérature religieuse, il nous reste à parler maintenant des écrits publiés par les messies, les prophètes, les voyans, rêveurs isolés, famille impérissable, qui, sous des noms nouveaux, se reproduit sans cesse à travers les âges. Ramener l’homme à l’Évangile primitif, le mettre en rapport avec Dieu, rétablir entre les membres de la grande famille humaine la prétendue fraternité des premiers temps, tel est le but que les rêveurs et les mystiques poursuivaient au milieu des ténèbres du moyen-âge, tel est le but qu’ils poursuivent encore aujourd’hui.

Parmi les sectes qui se rattachent directement au passé, nous trouvons au, premier rang les templiers. S’il fallait en croire les publications des affiliés, cette secte, descendante directe d’un ordre célèbre, n’aurait jamais été complètement détruite. Tout ce que nous savons, c’est qu’en 1804 il y eut à Paris un couvent général de l’ordre, qu’en 1811 les templiers, avec l’autorisation de la police impériale, firent célébrer à Notre-Dame un service solennel pour le repos de l’ame de Jacques de Molay, enfin que le dernier grand-maître était le docteur Fabré Pélaprat, mort tout récemment et intronisé, dans le couvent général de 1804,

  1. La secte des méthodistes paraissant destinée à faire dans les églises réformées une véritable révolution, nous croyons devoir donner ici quelques détails sur son origine. D’Alembert, dans l’Encyclopédie, avait reproché aux ministres de Genève d’en être arrivés à un parfait socinianisme, c’est-à-dire à nier la divinité de Jésus-Christ. Cette accusation fut renouvelée vers 1813 par quelques étudians en théologie qui, trouvant les instructions qu’ils recevaient du clergé de Genève trop tièdes pour leur piété, se réunissaient pour lire la Bible, discuter les matières religieuses et prier en commun. Empaytaz, l’un de ces étudians, publia sur le prétendu socinianisme moderne des lettres qui firent grand bruit dans le monde protestant. Les ministres répondirent qu’ils croyaient ce que dit la Bible, mais qu’ils ne devaient enseigner que ce qu’elle dit clairement, et soumettre leur esprit aux mystères par obéissance ; sans chercher à les pénétrer ni surtout à les expliquer. Ils ajoutaient que la Bible déclare le Christ notre Dieu sauveur et rédempteur, mais qu’elle est complètement obscure sur la question de savoir quelle est la nature de sa divinité ; que par conséquent, d’une part, Socin, qui ne voyait dans le Christ qu’un simple envoyé de Dieu, et de l’autre, la nouvelle secte, qui le regardait comme étant Dieu même et l’égal du Tout-Puissant, tombaient dans une même erreur, en ce qu’ils présentaient pour article de foi des opinions humaines, des spéculations sur des matières que Dieu a voulu laisser voilées pour nous. La compagnie des pasteurs, pour être conséquente avec ses principes, ne discuta point les doctrines mises en avant par la nouvelle secte, et, le 8 mai 1817, elle prit un arrêté en vertu duquel elle obligeait les jeunes gens qui voulaient être reçus dans son sein à ne point écrire et à ne point parler : 1° sur la manière dont la nature divine est unie à la personne de Jésus-Christ ; 2° sur le péché originel ; 3° sur la manière dont la grace opère ou sur la grace efficace ; 4° sur la prédestination. — Malgré cette défense, ou plutôt en raison de cette défense même, les méthodistes se sont rapidement propagés en Suisse, en Angleterre et en France.