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chrétiens, n’ont fait, comme les architectes du moyen-âge, qu’adosser des masures au pied des cathédrales. Les réformateurs, à leur tour, ont dégradé l’édifice en voulant le restaurer, et cependant, malgré la nullité des uns et la témérité des autres, malgré la stérilité de la littérature religieuse de notre temps, le christianisme anime, soutient et console encore notre société vieillie. C’est qu’aujourd’hui il est assez respecté, même par ceux qui doutent, pour ne souffrir en rien des apologies maladroites de ceux qui se croient appelés à le protéger ou qui ont l’orgueil de le refaire. Qu’importent les livres des théologiens à la religion qui a donné l’Évangile ?


IV.

Lorsque, des théologiens qui commentent les lois divines, nous passons aux jurisconsultes qui commentent les lois humaines, nous nous trouvons tout à coup sur un terrain nouveau. Le moyen-âge, qui tout à l’heure se représentait sans cesse sous toutes les formes, disparaît complètement, et la section relative à la jurisprudence est, sans contredit, de toutes les sections bibliographiques, celle qui, depuis un demi-siècle, a subi la transformation la plus complète. Tout est changé, jusqu’aux mots qui se lisent sur les titres des livres. On sent qu’une révolution profonde a passé là, qu’une société tout entière s’est abîmée dans un immense naufrage. Dans la science que nous venons de quitter, nous remontons à l’origine même des temps, et tout repose sur le souvenir : ici, l’antiquité ne nous est révélée que par quelques livres romains ; nous arrivons sans transition de l’empereur Justinien à l’empereur Napoléon, et si la science moderne s’éclaire encore des lumières que les Cujas, les Domat, les Pothier, ont versées sur les lois, les jurisconsultes contemporains ne se rattachent pour ainsi dire à l’ancienne société que par les traditions de la raison et de la conscience. Nous avons vu la théologie en pleine décadence ; nous trouvons au contraire, dans les études du droit, un mouvement actif, multiple et fécond. Dans ce pays qui eut toujours l’initiative des révolutions, il semble qu’on ait senti plus vivement, au sortir d’une révolution nouvelle, la nécessité de s’élever dans la connaissance des lois, et de soumettre, au fur et à mesure que la civilisation marche, tous les droits, tous les instincts à des règles égales pour tous, qui protègent également tous les intérêts.

Comme prolégomènes, nous rencontrons dans la bibliographie de la jurisprudence une certaine quantité de livres qui traitent de la science au point de vue de son organisation administrative, et qui ont surtout pour but de provoquer des réformes dans l’enseignement. Les législations étrangères, le droit romain, la philosophie du droit, science nouvelle en France et dont le point de départ est marqué par les travaux de MM. Lerminier et Jouffroy, l’ancien droit français, qui s’était perdu à la révolution de 89, ont donné depuis quinze ans un contingent de volumes fort nombreux. On a publié, annoté la plupart de nos anciens légistes, les monumens les plus- précieux de notre droit municipal et coutumier. La curiosité est aujourd’hui si vivement excitée sur toutes les questions qui se rapportent au droit européen du moyen-âge, qu’un sujet ottoman attaché à l’ambassade de Constantinople près la cour de Prusse, Garabed-Artin-