Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/324

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la jolie fille dont je vous ai parlé… Et maintenant je ne sais trop ce que j’en puis attendre.

— Plaisantez-vous ? me dit le Marseillais, vous allez vous donner tant de peine pour une petite fille des montagnes ? Eh ! quelle idée vous faites-vous de ces Druses ? Un cheik druse, eh bien ! qu’est-ce que c’est, près d’un Européen, d’un Français qui est du beau monde ? Voilà dernièrement le fils d’un consul anglais, M. Parker, qui a épousé une de ces femmes-là, une Ansarienne du pays de Tripoli ; personne de sa famille ne veut plus le voir ! C’était aussi la fille d’un cheik pourtant.

— Oh ! les Ansariens ne sont pas les Druses.

— Voyez-vous, ce sont là des caprices de jeune homme ! Moi je suis resté long-temps à Tripoli, je faisais des affaires avec un de mes compatriotes qui avait établi une filature de soie dans la montagne ; il connaissait bien tous ces gens-là ; ce sont des peuples où les hommes, les femmes mènent une vie bien singulière.

Je me mis à rire, sachant bien qu’il ne s’agissait là que de sectes qui n’ont qu’un rapport d’origine avec les Druses, et je priai le Marseillais de me conter ce qu’il savait.

— Ce sont des drôles, me dit-il à l’oreille avec cette expression comique des méridionaux, qui entendent par ce terme quelque chose de particulièrement égrillard.

— C’est possible, dis-je, mais la jeune fille dont je vous parle n’appartient pas à des sectes pareilles où peuvent exister quelques pratiques dégénérées du culte primitif des Brases. C’est ce qu’on appelle une savante, une akkalé.

— Eh oui ! c’est bien cela ; ceux que j’ai vus nomment leurs prêtresses akklats ; c’est le même mot varié par la prononciation locale. Eh bien ! ces prêtresses, savez-vous à quoi elles s’emploient ? On les fait monter sur la sainte table pour représenter la Quadra (la Vierge). Bien entendu qu’elles sont là dans la tenue la plus simple, sans robes ni rien sur elles, et le prêtre fait la prière en disant qu’il faut adorer l’image de la maternité. C’est comme une messe ; seulement il y a sur l’autel un grand vase de vin dont il boit, et qu’il fait passer ensuite à tous les assistans.

— Croyez-vous, dis-je, à ces bourdes, inventées par les gens des autres cultes ?

— Si j’y crois ? J’y crois si bien que j’ai vu, moi, dans le district de Kadmous, le jour de la fête de la Nativité, tous les hommes qui rencontraient des femmes sur les chemins se prosterner devant elles et embrasser leurs genoux.

— Eh bien ! ce sont des restes de l’ancienne idolâtrie d’Astarté, qui se sont mélangés avec les idées chrétiennes.

— Et que dites-vous de leur manière de célébrer l’Épiphanie ?