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lière dialectique, à peu près reproduite par le Correspondant de Nuremberg. Nous nous en souviendrons à l’occasion, lorsque l’Allemagne recommencera d’une manière ou de l’autre ce grand bruit avec lequel elle aime à témoigner du sentiment de son unité nationale. Elle est encore fort occupée de réclamer au Danemark ses frères du Holstein et du Schleswig. Le Danemark n’a-t-il pas besoin de cette annexe pour se couvrir, tout comme la Prusse a besoin de Posen, et l’Autriche de Milan ? L’argument vaut-il moins d’un côté que de l’autre ? Hambourg vient de refuser très énergiquement d’accéder au système de droits différentiels proposé par la Prusse, pour fonder au profit du Zollverein un empire maritime semblable à celui que l’acte de navigation assura jadis à l’Angleterre. Hambourg, dont le port souffrirait naturellement de l’introduction d’un régime protecteur, ne s’est pas laissé prendre à ces ambitieuses visées, et de plus belle on lui jette la pierre ; on l’accuse, dans toute la presse d’outre-Rhin, de trahir la patrie commune ; on lui fait honte de n’avoir pas le cœur allemand ; on élève aussi haut que possible le respect et l’empire de ce grand mot de nationalité. Hambourg, à moitié anglais, ne se croit pas plus obligé vis-à-vis du dogme de la nationalité allemande que les défenseurs de l’ascendant autrichien en Italie ne croient l’Autriche obligée vis-à-vis de la nationalité italienne. C’est là tout son crime. Il n’est pas de peuple qui, plus que le peuple allemand, ait prêché souvent et porté haut le droit des nations à garder toujours une existence distincte en vertu de la distinction des races et des langues ; il n’en est pas qui ait violé davantage ce droit imprescriptible.

L’Angleterre juge les événemens d’Italie d’un point de vue moins étroit, et la manière dont la question y est posée fait plus d’honneur au progrès de l’esprit public. Le sentimentalisme germanique trouve de bonnes raisons pour ne pas être trop exigeant quand il s’agit de retenir les conquêtes de la force et de la diplomatie. Les préjugés religieux de l’Angleterre, les aveugles rancunes du protestantisme, s’effacent aussitôt que le commandent les grands intérêts de la politique européenne. Il semble que ceux qui gardent encore aujourd’hui d’une façon plus spéciale le beau nom de whigs doivent être récompensés par les événemens de l’inaltérable fidélité qu’ils ont toujours vouée aux doctrines libérales. Ce sont eux qui achèvent de rompre toutes les barrières que l’esprit de secte avait élevées autour de la constitution anglaise ; ils vont introduire les Juifs dans le parlement, ils entrent en négociation directe avec le pape. Il ne faut pas s’y tromper, c’est encore un signe du temps, et nulle part ces signes ne sont aussi, clairs que dans les modifications intérieures du régime de la Grande-Bretagne. La brèche faite à la constitution en 1829 et en 1831 s’élargit tous les jours. L’église établie, le plus solide pilier du vieil édifice aristocratique, perd de plus en plus sa raison d’être à mesure qu’elle se lie moins logiquement à tout l’ensemble des institutions. Qu’est-ce que sera dans l’état la papauté de la reine, quand, à côté de celle-là, l’état admettra lui-même qu’il puisse y avoir pour une autre église une autre papauté ? Ce qui perpétue les régimes caducs, c’est l’opiniâtreté avec laquelle ils s’obstinent à ne pas reconnaître tout ce qui se fait dans le présent en dehors d’eux et contre eux. Une fois qu’ils pactisent avec les nouveaux principes, leur fin approche. Dans la stricte rigueur des lois anglaises, dans l’esprit de 1688, le pape n’existe pas pour le gouvernement britannique ; il n’y a qu’un évêque de Rome, qui n’a pas encore reconnu la légitimité de la