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les livres élémentaires, la grammaire de Lascaris, quelques extraits imprimés à Corfou des grands auteurs classiques, la rhétorique d’Iconomos, et, pour compléter l’examen, il ordonna aux plus habiles disciples de réciter plusieurs scènes de Léonidas aux Thermopyles, drame héroïque qui préludait assez heureusement à la révolution de 1821, et qui fut publié, en 1816, aux frais d’un capitaine hydriote. » La dernière scène de ce drame, que cite M. de Marcellus, représente Léonidas mourant sur les cadavres des Perses : « Laissez-moi là, dit le héros. Cette flèche a pénétré plus avant que l’autre ; mes forces s’en vont ; ma vie est à sa fin… Les secours me sont inutiles… Je meurs pour l’indépendance de la Grèce… O dieux protecteurs de ma patrie ! recevez mon sacrifice comme un hommage… Que ma mort serve à la gloire de tous les Grecs… et à l’honneur de Sparte, mon pays ! (Il expire.) - Quelques Spartiates blessés qui restent encore se précipitent sur les Perses en criant : — Mourons pour la liberté ! »

C’est par de tels jeux que maîtres et élèves se disposaient à une vie nouvelle. La tempête de l’insurrection emporta maîtres et élèves, les uns dans les combats, les autres à la suite des armées auxquelles ils prêchaient la persévérance et l’union. La mort en détruisit un grand nombre, et des meilleurs, à commencer par ce bataillon sacré qu’Alexandre Ypsilantis avait formé lui-même avec ce que la population des écoles renfermait de plus intelligent et de plus brave, et auquel la reconnaissance publique a élevé, à côté du palais de l’université d’Athènes, un marbre simple et pur comme la gloire des jeunes martyrs. Ceux qui survécurent furent souvent séparés par les hasards de la lutte ; mais ils devaient se retrouver plus tard, et, après l’œuvre de la guerre, commencer dans de nouvelles écoles grecques, sur un sol grec, les travaux féconds de la paix.

Après la bataille de Navarin, sous l’administration du président Capo d’Istrias, on tenta avec plus de zèle que de succès une première organisation de l’instruction publique. Les établissemens formés alors furent exclusivement consacrés à l’instruction primaire. La Grèce moderne ne passa donc pas un beau matin et d’un seul bond des ténèbres à la lumière. De tels miracles ne se font pas. Quand la liberté revint dans ce pays, elle y trouva l’intelligence, qui l’y avait précédée ou plutôt qui n’en était jamais sortie. Elle s’y était maintenue par elle-même, elle ne dut qu’à elle-même sa merveilleuse conservation ; mais elle ne s’est pas contentée de ne pas périr, elle a voulu redevenir jeune et forte. Les Grecs ont naturellement le goût de l’étude. Ce goût était excité en 1830 par le désir de répondre à l’estime que leur avait témoignée l’Europe. Ils avaient des livres, des grammaires, des dictionnaires. Plusieurs d’entre eux avaient été déjà professeurs ; d’autres pouvaient le devenir en peu de temps. Ils possédaient donc déjà les élémens d’un système d’instruction publique. Restait encore à trouver des hommes qui sussent réunir ces élémens épars. Ces hommes, ils n’eurent pas besoin de les demander à une autre nation ; ils étaient parmi eux. Non que les Grecs éclairés eussent deviné les principes généraux sur lesquels doivent reposer l’instruction et l’éducation d’un peuple ; mais des modèles en ce genre existaient en Europe, et déjà les Grecs avaient su les étudier. Les plus riches ou les plus remarquables des élèves qui étaient sortis des écoles grecques avaient complété leurs études en Allemagne et en France. Là ils avaient vu, attentivement examiné l’enseignement à tous ses degrés. Je sais tel Grec auquel un ministre français a offert une chaire qu’il eût occupée avec honneur ; je sais