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républiques ! La dernière mission envoyée par les deux gouvernemens n’a pas eu plus de succès que les précédentes. Les deux plénipotentiaires, partis avec des instructions identiques, se sont trouvés en dissentiment quand il s’est agi de conclure. C’était un fait regrettable, mais la faute ne pouvait en être attribuée au plénipotentiaire français, et le gouvernement anglais le reconnaît lui-même en rentrant dans la négociation, dont son agent l’avait si brusquement fait sortir. On assure qu’à cette occasion les avis n’auraient pas été unanimes dans le cabinet anglais, et que le ministre des affaires étrangères n’aurait cédé qu’à l’influence qui tient le premier rang dans le conseil. Quoi qu’il en soit, il parait certain que les deux gouvernemens reprendront de concert, et, il faut l’espérer, définitivement, la tâche de terminer cette éternelle affaire de la Plata.

Le gouvernement vient de conclure avec la république d’Haïti un traité qui parait faire faire un pas à la question depuis long temps pendante entre cette république et la France. Quand la restauration a reconnu l’indépendance d’Haïti, elle a mis pour condition à sa reconnaissance le paiement d’une indemnité aux anciens colons propriétaires du sol. Cette indemnité a été payée pendant quelque temps, mais le service en avait été suspendu depuis plusieurs années, et les révolutions intérieures de la république d’Haïti ne donnaient que trop à craindre que le moment de le reprendre n’arriverait jamais. Cette république ayant d’ailleurs l’habitude de dépenser tous les ans beaucoup au-delà de ses recettes, les malheureux indemnitaires n’avaient aucune garantie, et, quand même un ordre quelconque eût régné dans les affaires intérieures d’Haïti sous le rapport de l’organisation du pouvoir, les finances n’en auraient sans aucun doute que très faiblement ressenti les effets.

Dans cet état de choses, le gouvernement a négocié, et il a fini, après bien des vicissitudes, par obtenir un résultat véritablement inespéré dans l’état des affaires de la république. Haïti vient de s’engager par un traité formel à laisser prélever tous les ans au profit des indemnitaires la moitié des revenus des douanes, qui sont les plus clairs et presque les seuls revenus du trésor du pays. L’autre moitié seulement restera pour payer les frais de l’administration haïtienne, et, si le passé ressemble à l’avenir, elle sera très insuffisante ; mais ce n’est pas aux créanciers français à s’inquiéter de ce qui pourra arriver sous ce rapport. Ce qui leur importe, c’est que leur créance soit assurée, et elle paraît l’être désormais. En effet, on ne s’est pas borné à obtenir la concession de la moitié des droits de douane, on a encore réglé le mode de paiement. A l’avenir, au fur et à mesure des recettes, les traites fournies par les négocians en acquittement des droits seront passées, jusqu’à concurrence de la moitié du revenu total, par le ministre des finances de la république à l’ordre du ministre des finances de France, et transmises par notre consul-général à Port-au-Prince à la caisse des dépôts et consignations. De cette façon, les sommes destinées à payer les créanciers français n’entreront même pas dans les caisses du trésor haïtien : on voit qu’il était difficile d’obtenir plus de précautions. Si maintenant les indemnitaires ne sont pas payés, ce ne sera certainement pas la faute du gouvernement français.

On ne peut s’empêcher, quand on voit l’état de misère où se trouve réduite cette république, de faire un retour sur le passé et de se rappeler la richesse,