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qu’avaient les anciens de peindre leurs édifices sacrés. Il n’est pas un savant, aujourd’hui, qui ne connaisse cet usage et ne l’admette comme un fait certain ; mais cette notion n’est pas encore populaire. Nous ne rapporterons point ici tous les passages des auteurs anciens où il est question des peintures des temples : Dicéarque parlant des couleurs à l’encaustique qui décoraient les façades et les vestibules des maisons de Tanagre, Josèphe affirmant que les caissons des temples étaient peints ou sculptés, Vitruve rappelant que les triglyphes étaient bleus, Pline racontant que Protogène avait peint les Propylées. Tous ces documens ont été recueillis par des savans de nos jours. M. Raoul-Rochette a combattu pour la peinture sur bois, et, malgré tous ses efforts, a dû reconnaître que les temples étaient peints à l’encaustique. « L’existence de temples coloriés dans la Grèce, à toutes les époques de sa civilisation et sur tous les points de son domaine, n’est, dit-il, aujourd’hui sujette à aucun doute, du moins dans son principe, et non dans ce qui concerne les questions de détail, lesquelles sont loin encore d’être résolues d’une manière sûre et positive. » La meilleure et la plus simple manière de résoudre à la fois ces diverses questions, c’était d’examiner avec soin les temples mêmes. M. le duc de Serra di Falco a recueilli de nombreuses peintures sur les temples de la Sicile, et a consigné ses découvertes dans le savant ouvrage Delle Antiquità di Selinonte. Quelques études ont été faites en Grèce, en Asie, et principalement à Athènes. Le temple de Thésée offre partout des traces de peintures ; il y en a sur les Propylées. Enfin M. Pacard a noté avec le plus grand soin tous les points du Parthénon où se trouvent encore des couleurs. Il a pu restaurer presque avec certitude toute la partie extérieure du temple ; il y a trouvé l’ocre jaune sur les colonnes, le bleu de ciel sur les triglyphes, le rouge de saturne aux fonds des métopes et des frontons, le vert sur certains vêtemens ; il a vu, tracés au poinçon sur le marbre, les dessins de tous les ornemens avec des restes de leurs couleurs primitives. Cette partie de la restauration du temple, jusqu’aujourd’hui incomplète ou hypothétique, n’est plus sujette à l’erreur. Quant à l’intérieur, on n’en peut connaître la décoration que par conjecture et par la comparaison avec les autres temples de la Grèce. Outre les inductions de ce genre que peut faire un homme habile, il est à croire que l’intérieur du Parthénon était en harmonie avec l’extérieur, et que, éclairé comme lui par la lumière directe du soleil, il présentait à peu près les mêmes peintures.

Ainsi donc, l’usage de colorier les monumens dans l’antiquité grecque ne peut plus être révoqué en doute. Dans l’Europe moderne, où nous n’avons guère coutume de peindre nos églises, nos palais et nos maisons, nous sommes étonnés qu’au temps de Sophocle, de Platon, de Praxitèles, il soit sorti de la main de Phidias un temple chargé de couleurs, contenant une statue d’or et d’ivoire, couverte quelquefois d’un manteau brodé, et dans lequel la blancheur du marbre avait disparu. Quand, cherchant à nous faire une idée des monumens peints de la Grèce, nous voyons en France et en Italie avec quel mauvais goût, après avoir peint les murs et les voûtes des églises, on habille encore les statues de la Vierge et des saints, notre esprit ne peut se défendre de préventions défavorables ; il semble que la Grèce va nous apparaître sous un nouveau jour et que notre vieille admiration pour elle va se dissiper. Cependant chaque pays a sa nature, son aspect général, sa chaleur, sa lumière. La disposition des montagnes avec