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L’avènement d’un roi de quinze ans[1] devait augmenter l’autorité d’Alburquerque, qui gouvernait la reine-mère. Don Juan de Lara, éloigné des provinces du nord, où se trouvait la majeure partie de ses domaines et où s’exerçait particulièrement son influence politique, n’était pas en mesure de lui disputer le pouvoir en Andalousie. D’ailleurs, don Juan Nuñez était las de la guerre civile, et, certain que son indépendance serait respectée par un gouvernement faible et entouré de périls, il ne songeait nullement à susciter de nouveaux embarras au fils d’un prince dont il était devenu l’admirateur et le sujet le plus dévoué. Enfin Alburquerque recherchait ouvertement son alliance, et lui offrait de partager avec lui l’autorité que la mort d’Alphonse remettait entre ses mains.


III.

AVENEMENT DE DON PEDRE. – 1350.


I.

Tous les partis, d’accord contre la favorite et sa famille, la menaçaient des plus terribles réactions. A peine don Alphonse eut-il rendu le dernier soupir, que doña Léonor, qui, probablement, l’avait suivi au camp devant Gibraltar, dut songer à fuir la vengeance de la reine-mère. Persuadée que don Juan d’Alburquerque se croirait désormais dispensé de garder des ménagemens à son égard, elle implora d’abord la protection du seigneur de Lara. Mais elle en fut froidement accueillie, et, pour seule marque d’intérêt, il lui conseilla de pourvoir à sa sûreté personnelle en se retirant dans une des places fortes qu’elle avait reçues du feu roi. Léonor courut aussitôt à Medina-Sidonia. Pendant qu’elle s’enfermait dans le château, l’armée, qui ramenait de Gibraltar à Séville le corps de don Alphonse, entrait dans la ville basse. La favorite put mesurer alors le changement qu’un seul jour apportait à sa fortune. Le gouverneur de Medina-Sidonia ; qui, pour me servir de l’expression consacrée au moyen-âge, tenait la forteresse pour doña Leonor sa parente[2], lui demanda ou plutôt la somma d’accepter sa renonciation à l’hommage qu’il lui devait comme à la dame propriétaire de cette place. C’était lui annoncer clairement que sa cause était désespérée. Le gouverneur de Medina-Sidonia, Alonso-Fernandez Coronel, était cependant un noble chevalier renommé pour ses prouesses et sa loyauté ; d’ailleurs personnellement attaché à la faction des Lara. Léonor essaya vainement de le retenir. Non-seulement elle ne put le faire changer de résolution,

  1. Don Pèdre était né à Burgos, le 30 août 1333. — Chron. De Alfonso XI, p. 269.
  2. Torres y Tapia, p. 65, t. II. Cron. De Alcant.