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présenter la loi de félonie, une expérience peu flatteuse, mais malheureusement assez exacte, du caractère irlandais. La notoriété et en quelque sorte l’éclat du crime de haute trahison et de la peine capitale étaient considérés comme un appât et une tentation pour la vanité hibernienne ; on espérait que le délit plus vulgaire de félonie ferait moins d’ambitieux. « Il y aura, disait le solliciteur-général, un grand avantage à convertir la trahison en simple félonie. Il y a des gens qui commettent des crimes uniquement pour faire parler d’eux. C’est pour cela qu’on se jette du haut de la colonne. » Et sir Robert Peel disait en des termes encore plus pittoresques : « Reléguons dans la position qui leur convient ces grenouilles qui coassent la sédition dans leurs mares, et ne les laissons pas s’enfler jusqu’aux dimensions des animaux plus nobles qui mugissent la trahison. »

On pense bien qu’une pareille loi, avec de pareils commentaires, n’était pas de nature à pacifier les Irlandais ; elle ne fit que les exaspérer. Les journaux des confédérés, l’United Irishman et la Nation, redoublèrent de violence, et l’organisation des clubs devint plus active que jamais.

L’United Irishman, au milieu de beaucoup d’autres, publia la lettre suivante, adressée « à son excellence le comte de Clarendon, espion général de sa majesté et suborneur général en Irlande. »


« Il n’y a point de jour fixé pour la prise du château. Vous le saurez aussitôt que nous ; vous le fixerez vous-même... On vous dira, mylord, que je suis un fou ; ne le croyez pas. Je suis tout simplement possédé d’un esprit de rébellion ; je crois que j’ai une mission, celle de porter le dernier coup à ce sanglant empire britannique, ce monstre avide et carnivore qui a si long-temps pesé sur le cœur et sur les membres de l’Angleterre, et sucé le sang et la moelle de l’Irlande. Contre cet empire d’enfer, mille milliers de spectres de mes compatriotes égorgés crient toutes les nuits vengeance ; j’entends crier leur sang du fond des entrailles de la terre. Et le ciel l’a entendu ! Ce drapeau de forban, qui a si long-temps bravé la bataille et l’ouragan, flotte maintenant sur un vaisseau en détresse ; le Charybde du chartisme gronde à sa proue, les brisans du rappel sont en poupe ; les malédictions du monde viennent gonfler l’ouragan qui mugit autour de ce pirate ensanglanté, plein d’ossemens humains. Ses flancs craquent enfin.

Quamvis Pontica pinus
Silvæ filia nobilis,


il ne rentrera plus au port. Le jour où il se fendra en mille pièces, toutes les extrémités de la terre pousseront trois cris de joie ! »


Le même journal publiait en même temps des instructions militaires sur la manière de combattre avec la pique. C’était un cours complet de stratégie pour la rue, et c’était intitulé : « Notre département de la guerre. » Un autre journal, le Félon, disait de son côté :