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de l’histoire de l’empire et qui atténueront aux yeux de la postérité ce qu’il y eut d’injuste dans la fameuse brochure de 1814, par laquelle M. de Chateaubriand inaugura son avènement à la vie politique. Nous avons nous-même, du vivant de l’auteur, parlé ailleurs avec assez de liberté de ce qui nous choquait dans cette brochure pour que ce nous soit un devoir de rappeler ici les circonstances qui en expliquent l’emportement et la violence. « Ces circonstances, dit lui-même M. de Chateaubriand, ne laissaient à personne le sang-froid nécessaire pour prononcer un jugement impartial ; on ne voyait que la moitié du tableau, les défauts étaient en saillie dans la lumière, le reste était plongé dans l’ombre. » Nous ajouterons que, s’il était permis à quelqu’un d’attaquer avec colère Napoléon vaincu, mais redoutable encore, c’était certainement à l’homme qui, presque seul, avait refusé de s’atteler au char du triomphateur.

Nous glisserons rapidement sur la partie des Mémoires qui traite de la restauration et du gouvernement de juillet. Cette période de la vie de M. de Chateaubriand est la plus connue. Personne n’ignore le rôle politique de l’illustre écrivain de 1814 à 1830. M. de Chateaubriand, on le sait, se mit d’abord à la tête du parti du passé, à la tête de ce parti qui a perdu la restauration ; mais il se mit à sa tête dans l’espoir de lui faire accepter les nécessités du présent et admettre dans une certaine mesure les tendances de l’avenir. On sait aussi, — et un publiciste distingué, M. Duvergier de Hauranne, le rappelait encore il y a quelques mois en combattant les erreurs qui ont perdu à leur tour la monarchie de juillet[1], — on sait que le premier homme qui, en France, après l’empire, a posé et développé avec autant d’éclat que de vigueur les principes qui seuls auraient pu faire vivre encore la monarchie représentative, c’est l’auteur de la Monarchie selon la charte, livre peu homogène, mais dont la première partie, dit très bien M. Duvergier de Hauranne, doit obtenir grâce pour la seconde. C’est dans cette première partie que M. de Chateaubriand, au grand scandale des libéraux de la restauration, tous occupés alors de renforcer le pouvoir royal, déclare, « qu’il n’y a point de gouvernement représentatif sans la liberté de la presse ; qu’il n’y a point de gouvernement représentatif, si l’opinion publique n’est la source et le principe du ministère, principium et fons ; qu’il n’y a point de gouvernement représentatif, si la royauté irresponsable ne se résigne à abandonner la direction du pouvoir aux ministres ; sur qui seuls pèse la responsabilité. » L’auteur de la Monarchie selon la charte professait encore que « l’initiative est une attribution parlementaire, et que la loi ne doit être proposée au nom du roi que dans des cas extraordinaires. »

  1. De la Réforme parlementaire, p. 35.