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cette prolongation de séjour, couchaient sur les bancs des salles de l’université, comme pour la veille des armes. En même temps la populace redoublait d’injures à l’encontre des Allemands ; on attachait leurs couleurs aux colliers des chiens et l’on chantait partout les vieilles chansons hussites ; on vendait mille pamphlets anti-germaniques, où le pauvre empereur Ferdinand n’était plus appelé que le doux Przemizlas.

Le prince Windisch-Grätz se tint pour averti : il augmenta très ostensiblement ses troupes, arma les forts au grand jour, et quand la Slavia vint lui demander pour dernier défi deux mille fusils, une batterie d’artillerie et quatre-vingt mille cartouches, sous le prétexte insolent de se protéger contre la réaction, il refusa sans la moindre politesse. L’affaire s’engagea le surlendemain, lundi de la Pentecôte, au sortir d’une messe solennelle célébrée en place publique pour attirer la bénédiction du ciel sur la bonne cause slave. Les étudians et les ouvriers s’en allèrent crier des pereat au nez du général, et, comme on se sentait de part et d’autre assez bonne envie d’en venir aux mains, les fusils partirent presque tout de suite. On courut donc aux barricades : il y avait là des Français et des Polonais, l’apprentissage se fit vite.

Ce n’est point chez nous qu’il y aurait maintenant quelque intérêt à raconter une guerre de barricades. Celle-là dura aussi cinq jours. Commencée le 12 juin, elle ne finit que le 18. La fermeté du prince Windisch-Grätz ne se démentit pas, même après que sa femme et son fils furent tombés sous les balles. Les troupes autrichiennes se conduisirent autrement qu’à Cracovie, où elles s’étaient laissé battre à coups de bâton par une poignée d’hommes. Les Tchèches surprirent jusqu’aux Polonais, tant ils étaient vifs à courir au feu. Les vaincus arrêtés ou dispersés, une enquête fut ordonnée et elle dure encore ; elle s’acharne à poursuivre toutes les ramifications de la Swornost et de la Slavia ; elle saisit toutes les traces du complot républicain, sans trop expliquer comment il s’y trouve tant d’élémens aristocratiques. Prague, où l’autorité militaire du prince Windisch-Grätz avait tout-à-fait remplacé l’autorité déconsidérée du burgrave Thun, Prague, où l’état de siège vient à peine d’être levé, n’a plus, bien entendu, ni son comité national ni son congrès slave. Le parlement bohème, qui devait s’ouvrir le 18 juin, a même été indéfiniment retardé. Il ne se réunira qu’après la session du parlement impérial de Vienne, où districts tchèches et districts allemands ont dû, par ordre, envoyer leurs députés. Ce n’était pas ainsi que la stratégie du comité national avait arrangé les choses. Les membres les plus éminens du congrès, Schafarik, Palazky, Neuberg, n’ont plus rien à faire dans cette terrible ruine qu’à protester solennellement contre toute supposition qui les mêlerait, de loin ou de près, à l’attentat sanglant du 12 juin. Ils déclarent que la