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toute allocation financière. Cependant chaque commune doit avoir une école gratuite pour les filles, une école gratuite pour les garçons ; des livres élémentaires doivent être faits et répandus pour mettre en relief les avantages et la noblesse des travaux de l’agriculture ; une école normale des arts et métiers sera fondée dans chaque colonie, et un lycée, sans préjudice des collèges communaux qui pourront être établis ailleurs, sera créé à la Guadeloupe. Avec quel argent ? C’est ce qui n’est pas dit, et nous en éprouvons du regret, car rien ne serait plus utile que la mise à exécution de ce programme.

Cette question des enfans était d’autant plus digne d’être profondément étudiée, qu’elle a donné lieu, dans l’expérience anglaise, à de cruels mécomptes. Est-il suffisant de donner aux jeunes noirs des moyens généraux d’éducation dans les écoles publiques en les admettant de droit et de fait à la liberté ? C’est ce qu’a déclaré l’acte du parlement anglais. Si l’on interroge les nombreuses enquêtes qui ont été faites à ce sujet, on constatera que la plupart de ces enfans ont passé leurs premières années dans l’ignorance et dans l’indiscipline. Si nous ne voulions pas tomber dans la même erreur, il aurait été prudent et convenable, au moins pour les orphelins ou pour les jeunes noirs délaissés par leurs parens, que l’administration s’emparât à leur égard de l’autorité paternelle et se réservât d’en exercer tous les droits, jusqu’à ce qu’ils eussent atteint l’âge de quinze ans. On aurait ainsi mitigé pour eux cette liberté, dont ils ne peuvent faire qu’un usage dommageable à l’ordre public et à eux-mêmes.

Un troisième décret a pour but d’appliquer aux colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, les dispositions des titres XVIII et XIX du code civil, concernant les hypothèques et l’expropriation forcée[1]. Sauf quelques légères modifications, c’est le projet de loi qui était en discussion à la chambre des pairs, quand la révolution du 24 février est survenue. Il avait été présenté aux chambres en 1841 ; des circonstances indépendantes de la volonté du gouvernement en avaient fait ajourner l’adoption. Il était destiné à liquider la propriété coloniale, grevée d’hypothèques, et à simplifier les questions de droit que pouvait soulever plus tard la remise de l’indemnité. C’était en effet le seul moyen de s’assurer que cette indemnité serait touchée par le propriétaire légitime et sérieux, par celui dont les droits seraient clairement établis ; mais, pour atteindre ce but, il fallait que l’expropriation forcée précédât de quelque temps l’acte d’émancipation. Il n’en sera pas ainsi aujourd’hui. La liquidation se fera en même temps que l’émancipation. Cette simultanéité ne peut qu’aggraver la position des colons, qui se verront dessaisis de leurs immeubles au moment même

  1. Décret concernant les hypothèques et l’expropriation forcée aux colonie, 27 avril 1848.