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en présence, pour le même service, plusieurs corporations ; maison est dominé par un puissant besoin, et mieux vaut subir cet inconvénient que de se refuser les moyens de donner immédiatement une vive impulsion à l’éducation des noirs.

Toutefois l’enseignement élémentaire n’est que la moitié de la tâche du gouvernement : il doit encore redresser les mauvais penchans des affranchis, les appeler à la vie de famille, leur faire pratiquer leurs devoirs de père et d’époux, et leur apprendre que la société impose des obligations sacrées à tous ses membres. L’instruction religieuse est le complément de l’enseignement élémentaire. La composition du clergé dans les colonies mérite, sous ce rapport, une sérieuse attention : elle laisse beaucoup à désirer. Les prêtres qui sont envoyés dans nos possessions d’outre-mer sont recrutés par le séminaire du Saint-Esprit, qui les propose à la nomination du ministre de la marine. Ils tiennent leurs pouvoirs spirituels de la propagande romaine ; ils ont pour supérieur un préfet apostolique, mais ce supérieur n’exerce sur eux qu’un contrôle de surveillance, car il n’est investi, à leur égard, d’aucune autorité disciplinaire. Cette organisation est vicieuse. Quoique depuis quelques années les choix aient été mieux faits, cependant on est forcé de dire qu’on ne rencontre dans ce personnel ni les lumières, ni cette ardeur de prosélytisme et d’apostolat, dont les missionnaires anglais ont donné un si noble exemple. Quelques membres de notre clergé colonial font exception et se montrent à la hauteur de leur saint ministère ; mais le plus grand nombre est indifférent ou incapable de concourir à l’œuvre de moralisation qui lui est confiée. Le gouvernement déchu voulait porter un remède radical à cet état de choses. Il avait l’intention de mettre l’enseignement religieux et le service du culte dans nos colonies aux mains d’une congrégation religieuse fortement constituée dans sa hiérarchie, dont le chef relèverait principalement du gouvernement français, et qui, par sa règle, serait vouée à la pauvreté. Des négociations avaient été entamées avec le saint-siège pour l’exécution de ce projet ; il est fort à désirer qu’elles soient reprises et qu’elles aboutissent le plus tôt possible à un résultat. Il s’agit là d’un intérêt de premier ordre.

Un clergé qui n’aura pas d’autre préoccupation que celle de répandre la foi, de prêcher la charité, d’user de son ascendant pour faire germer dans toutes les âmes les saints principes de l’Évangile, un tel clergé est appelé à recueillir une abondante moisson et destiné à servir de clé de voûte à la nouvelle société coloniale. Pour assurer le succès de ces efforts, il est indispensable que le personnel administratif soit mis en harmonie avec cette direction morale, qu’il ne participe à aucune lutte de caste, qu’il travaille avec vigueur à exciter dans toutes les classes de la population la conviction de leur mutuelle solidarité, en