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paraissait ne point compter sur ces premiers corps francs, mais on repoussait avec vivacité toute proposition d’en former de nouveaux, et on se déclarait bien résolu à ne jamais recourir à de pareils moyens.

Ce ne fut pas assez cependant, pour le gouvernement, d’avoir accablé les volontaires de son dédain ; il leur fit bientôt la guerre avec d’autres armes. Les soldats les mieux équipés, lorsqu’ils sont une fois entrés en campagne, manquent bientôt de tout, si leur chef n’y pourvoit. Or, sous le prétexte commode que nos légions de volontaires étaient composées de jeunes gens de bonnes maisons, on ne les paya point, et on les laissa manquer de tout. Placés sur le sommet des Alpes tyroliennes, enfoncés dans les neiges, sans tentes, sans médecins ni ambulances, les volontaires lombards couchaient en plein air, au milieu d’une population effrayée, pauvre et intéressée, qui, voulant se dédommager des périls qu’on lui apportait, arrachait à ces malheureux leurs dernières ressources, et faisait payer chaque morceau de pain au poids de l’or. Ces jeunes gens succombaient souvent à la peine, mais ils ne se plaignaient pas. Leur poste, où ils étaient constamment attaqués, leur plaisait, au contraire, parce qu’ils y trouvaient l’occasion de servir leur pays. Et que faisait le gouvernement pour rendre hommage à cet héroïque dévouement ? Jamais un bulletin officiel ne rendit compte des combats soutenus ni des avantages remportés par les volontaires lombards. Pas un de leurs noms ne fut recommandé à la reconnaissance des contemporains ni au souvenir de l’histoire. Les mères qui perdirent leurs enfans dans les gorges du Tonale ou du Caffaro n’entendirent jamais un mot d’éloge prononcé sur leurs tombes, et nous n’apprenions les combats de nos volontaires que par les vides nombreux que chacune de ces luttes ignorées laissait dans nos familles.

A Pavie, le corps universitaire forma un bataillon, et partit pour le théâtre de la guerre ; à Milan, les lycées et les collèges, le séminaire même, en firent autant. Ces jeunes gens avaient demandé instamment qu’on les envoyât sans retard au-devant de l’ennemi. C’est sur Mantoue qu’on les dirigea, et là, sous le feu et à la portée du canon autrichien qui les décimait[1], on les condamna à l’immobilité. La population de Milan s’émut aux nouvelles qui lui arrivaient du camp placé devant Mantoue, et on n’osa pas traiter ses réclamations avec dédain. On abandonna la position si malheureusement choisie pour le camp de Mantoue, et les tentes furent transportées à quelques pas en arrière.

L’ardeur de nos volontaires ne faiblissait pas malgré tant d’épreuves

  1. Des volontaires suisses partagèrent en cette occasion le sort des volontaires lombards. Une compagnie suisse de cent hommes, qui vint se mettre à la disposition du ministère de la guerre, fut envoyée sous les murs de Mantoue. Sur les cent volontaires, deux seuls survécurent : quatre-vingt-dix-huit avaient été tués, non pas sur le champ de bataille, mais dans leur camp, au repos.