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au fond, même sévérité. Selon M. Garnier-Pagès, les finances de la monarchie nous menaient droit à la banqueroute ; selon M. Goudchaux, elles nous ont valu la république. Lequel est le plus indulgent ? Nous le demandons. Que l’ancien gouvernement ait ruiné la France, sciemment, systématiquement, comme dit M. Garnier-Pagès ; que ce soit seulement par ignorance et par incapacité, comme veut bien l’admettre M. Goudchaux, peu importe : ces malheureuses finances monarchiques n’en ont pas moins tout perdu, tout compromis ; c’est d’elles qu’est venu tout le mal, c’est par elles que sont nés les périls, les anxiétés d’aujourd’hui ; voilà ce que M. Goudchaux soutient, en moins de mots, mais d’un ton non moins affirmatif que M. Garnier-Pagès ; voilà ce qui est à ses yeux un article de foi, un de ces axiomes qu’il est inutile de démontrer, tant l’évidence en est incontestable et incontestée I

Puisque l’attaque recommence, ne faut-il pas que la défense continue ? Sous peine de laisser s’égarer l’opinion, on doit, dans ce genre de controverse, ne pas se lasser de revenir plus d’une fois à la charge. Quand par hasard le Moniteur, en nous parlant de l’ancien gouvernement, fait sonner à nos oreilles ces grands mots : Despotisme, oppression, tyrannie, rien n’est plus innocent. Qui voulez-vous qu’il trompe ? Tout le monde est juge en ces matières, et les enfans eux-mêmes ne se laissent pas attraper ; mais, en fait de chiffres, c’est autre chose ! Avec des chiffres et surtout avec des chiffres soi-disant officiels, on fait entrer dans les meilleurs esprits des impressions, des préjugés qu’il est ensuite presque impossible d’en faire sortir. Il faut donc, dès qu’il s’agit de chiffres, ne dédaigner aucun moyen, aucune occasion de rétablir la vérité. Je sais qu’en ranimant ce débat, j’aborde un sujet déjà vieux et rebattu. Au milieu des émotions du jour, sous le feu de la polémique quotidienne, qui donc se prendra d’intérêt pour une thèse purement historique ? Parler de ce qui fut il y a six mois, au temps où nous vivons ! autant vaut faire de l’archéologie. Je sais aussi qu’après M. Lacave-Laplagne, il me reste à peine de quoi glaner ; mais, au risque de reproduire, avec moins d’autorité que lui, les principaux résultats de ses laborieuses recherches, au risque de répéter aussi, et en moins bons termes, certaines observations qu’un jeune financier, M. Benjamin Delessert, a déposées dans un écrit plein de vivacité et d’à-propos[1], je n’en persiste pas moins à prendre ma part dans cette discussion, regardant presque comme un devoir de n’y pas demeurer étranger. Je ne prétends certes pas que dans le cours de dix-sept années l’administration des deniers de l’état n’ait, à certains intervalles, pu

  1. Quelques Observations sur le rapport de M. Garnier-Pagès. Paris, chez Sauret et Fontaine, libraires, passage des Panoramas.