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Il était donc hors de doute qu’aux échéances d’avril et de mai, et à plus forte raison aux échéances suivantes, beaucoup moins lourdes et moins chargées, la plus grande partie des bons serait renouvelée, ou, ce qui revient au même, que de nouveaux prêteurs se substitueraient aux anciens. Si le ministre eût aperçu la moindre hésitation, il lui aurait suffi de relever l’intérêt d’un demi pour 100 seulement pour que le renouvellement complet devînt indubitable.

Mais il y a mieux : en aucun cas, cette concession n’eût été nécessaire ; les précautions étaient prises pour braver toute exigence et surmonter tout embarras. Ce n’est pas à autre fin qu’avait été si prudemment amassée cette réserve trouvée en caisse le 25 février. Ces 135 millions en espèces, ces 55 millions en portefeuille, permettaient au ministre de faire la loi à ses créanciers. On ne prête qu’aux riches, cela est connu, et l’argent n’est jamais si volontiers offert qu’à ceux qui en ont les mains pleines. 190 millions en caisse, une créance exigible de 20 millions, dix versemens mensuels de l’emprunt montant à 100 millions, plus une faculté d’escompte pouvant donner pour le moins de 25 à 30 millions, le tout formant une masse disponible de 340 millions environ, c’était plus qu’il n’en fallait pour parer à toutes les éventualités.

Jamais situation de trésorerie n’avait été plus dégagée et plus facile ; jamais, ni avant la crise de 1840, ni avant celle de 1846, les services n’avaient été mieux assurés, et l’action du ministre des finances plus libre et plus exempte de sérieuses difficultés.

Voyons cependant, en face de ces ressources, à quelles charges il fallait pourvoir. On ne connaît complètement une situation financière que lorsqu’on sait le doit et l’avoir. Il faut donc constater avec exactitude quel était le montant réel de la dette du trésor, de la dette flottante, pour employer le langage convenu ; il faut surtout bien établir quelle était, dans cette dette, la partie à proprement parler exigible, dans quelle mesure et à quelle condition elle l’était.

Selon M. Garnier-Pagès, la dette flottante avait atteint, vers le commencement de 1848, des proportions inconnues jusqu’alors. « Encore un peu de temps, dit-il dans son rapport du 8 mai, et elle dépassait un milliard, un milliard incessamment exigible ! »

Quant aux proportions inconnues, cela n’est pas tout-à-fait exact : il suffit d’ouvrir le compte des finances de 1847 (page 417) pour voir qu’au 1er janvier 1845 la dette flottante atteignait, à quelques millions près, le même chiffre qu’au 1er janvier 1848. Alors aussi elle dépassait 600 millions, ce qui n’empêcha pas qu’un an après, au 1er janvier 1846, elle était descendue à 428 millions. Et pourquoi ? Parce que dans les derniers mois de 1844 il avait été contracté un emprunt. Or, la même circonstance s’étant présentée dans les derniers mois de 1847, un