Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/878

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

repris l’ancien mouvement d’ascension, les produits de ces deux mois n’avaient pas rétrogradé. Prévoyait-on, pour les mois suivans, des causes de diminution ? Au contraire ; l’état des arrivages, la situation des entrepôts, le manque de matières premières dans les manufactures, la reprise prochaine de certains grands travaux, tout annonçait qu’en mars, au plus tard en avril, les recettes iraient croissant et excéderaient les prévisions. On cherche donc avec étonnement sur quelle base M. Garnier-Pagès peut appuyer son hypothèse ; mais la surprise redouble quand on le lui entend dire à lui-même. C’est, le croirait-on ? sur les prévisions du dernier gouvernement. Le budget des recettes de 1849, présenté avec un louable excès de sincérité et de prévoyance, comme nous le verrons tout à l’heure, voilà où M. Garnier-Pagès va puiser des argumens pour infirmer rétroactivement les espérances du budget de 1848. Ainsi, pour les douanes, par exemple, il fait ce raisonnement : — l’ancien gouvernement prévoyait pour 4849 un revenu moindre que pour 1848 : — donc il reconnaissait que les prévisions de 1848 étaient exagérées, donc j’ai le droit, d’après son propre exemple, de retrancher, dans le budget de 1848, tout ce qui dépasse les évaluations de 1849.

Nous voudrions ne pas mettre en doute la sincérité de cette argumentation ; mais, franchement, M. Garnier-Pagès peut-il ignorer comment s’établissent les prévisions d’un budget de recettes ? La règle constante n’est-elle pas de prendre pour base les onze premiers mois de l’année pendant laquelle le budget se prépare, plus le dernier mois de l’exercice précédent. Ainsi, les recettes de l’année 1849 avaient dû être établies d’après les produits constatés dans les onze premiers mois de 1847 et pendant le mois de décembre 1846.

Si le ministre était venu dire : Certains revenus ont accidentellement diminué en 1847, pendant que d’autres augmentaient. L’élévation du prix des grains a supprimé tout droit sur les céréales (sauf l’insignifiant droit de balance), la presque totalité des navires marchands a été occupée au transport des grains, et l’arrivage des autres denrées soumises aux droits de douane a été considérablement ralenti. Ce sont là des circonstances tout exceptionnelles : elles ont déjà disparu. Il doit donc être permis, pour cette fois, de s’affranchir de la règle ordinaire : au lieu d’évaluer les recettes de 1849 d’après celles de 1847, reculons d’une année ; prenons pour base 1846, et assimilons ainsi les prévisions de 1849 à celles de 1848, au lieu de les supposer inférieures. Si le ministre avait tenu ce langage, peut-être eût-il été excusable ; mais, à coup sûr, M. Garnier-Pagès et ses amis lui auraient reproché de violer les règles reçues et de vouloir faire illusion au pays. Et parce qu’il s’est assujetti aux prescriptions d’un système prudent, parce qu’au risque de donner à son budget la mauvaise apparence d’être à peine en