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La masse des travaux à terminer n’eût pas été alors de plus de 4 à 500 millions. Eût-il fallu d’ailleurs 1 milliard, on aurait encore pu l’obtenir sans imposer aucune charge nouvelle au paya. Il suffisait d’emprunter, non pas même à des conditions exceptionnelles, mais à 4 pour 100, comme le 10 novembre, et d’annuler en même temps 40 millions de rentes rachetées. Malgré cette brèche faite aux réserves de l’amortissement, elles se seraient encore composées d’une cinquantaine de millions dont on aurait pu disposer à volonté, tout en laissant fonctionner les 40 millions qui agissent sur le 3 pour 100. Ainsi, même après une si grande œuvre accomplie, après cette féconde distribution d’un capital productif sur tout le sol de la France, on aurait encore conservé les ressources nécessaires pour effectuer, sans péril, certaines améliorations et certains dégrèvemens d’impôts que les populations attendaient avec impatience.

Tel était notre avenir financier sous le gouvernement de juillet : les revenus s’accroissaient chaque année ; les dépenses extraordinaires avaient un terme connu et fixé d’avance, et, grâce aux réserves de l’amortissement, si sagement conservées et accrues depuis quinze ans, on pouvait recourir au crédit sans demander aux contribuables le plus léger sacrifice. Il avait fallu quelque courage, quelque constance pour maintenir chaque année dans les charges ordinaires du budget cette puissance d’amortissement, qui avait fini par atteindre la somme énorme de i 25 millions. Au lieu de se donner le mérite facile et peut-être populaire d’éviter quelques déficits apparens et d’aligner aisément ses budgets en supprimant une partie de cette épargne annuelle, le gouvernement s’était imposé le devoir de la conserver tout entière. Sa récompense, s’il eût duré, eût été d’avoir créé pour la France, non-seulement les élémens d’une immense prospérité, mais des finances aussi bien assises et aussi solides qu’aucune autre nation en ait jamais possédé.

Voilà donc notre seconde question résolue comme la première. L’avenir n’était pas plus menacé que le présent n’était compromis. On peut y regarder d’aussi près qu’on voudra ; plus l’examen sera sérieux et complet, plus les résultats que nous constatons seront infailliblement reconnus. Je ne sais qu’un seul moyen d’admettre qu’avant février nos finances fussent en danger, c’est d’accepter les faits et les chiffres tels que MM. Pages et Goudchaux les présentent.

Toutefois, prenons-y garde, le rapport du 9 mars ne se bornait pas à surprendre en flagrant délit de banqueroute le gouvernement déchu, il affirmait que, pendant ses dix-sept années d’existence, il avait ruiné la France, et qu’en voyant la masse des dettes qu’il avait contractées « l’esprit s’arrêtait déconcerté devant l’énorme disproportion des moyens avec les résultats. »

Nous ne sommes donc pas encore au bout de notre tâche : ce n’est