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jour 1 franc 70 centimes, et, dans la partie la plus favorisée du pays, dans la Nouvelle-Angleterre, 1 franc 87 centimes. En France, même avant la dernière révolution, la part, pour chaque individu, ne s’élevait pas, suivant les calculs les plus probables, à plus de 72 centimes par jour. Si, dans une situation pareille, il était parfaitement déraisonnable, je dirais même ridicule, de promettre immédiatement à chaque ouvrier 5 francs par jour, tout en abrégeant la durée du travail, c’est-à-dire en diminuant la production, il ne l’est guère moins de prétendre que la France doive se contenter éternellement d’un tel partage, et qu’elle n’ait rien à faire pour l’améliorer.

Améliorer cette situation, voilà donc la grande tâche dévolue à nos législateurs : ils n’y failliraient pas sans péril. Il ne s’agit point de voter des subventions, qui ne font que couvrir les plaies et envenimer le mal au lieu de le guérir, encore moins de proclamer le droit au travail on le droit à l’assistance, erreurs déplorables, contre-sens funestes, qui ne tendent à rien moins qu’à faire de la France un vaste dépôt de mendicité : il s’agit de réformer les abus dont notre ordre social est dévoré, d’affranchir le travail, encore esclave, quoi qu’on en dise, et de sauver l’industrie en lui permettant de se sauver elle-même.

Parmi les mesures propres à faire renaître le travail en ranimant l’industrie et le commerce, il n’y en a point de plus efficaces que celles qui, tendront à l’établissement du crédit. On l’a dit souvent, et on ne saurait trop le redire, le crédit est l’ame du commerce : sans le crédit, point de commerce, et, sans le commerce, point de travail. Qu’on s’applique donc à faire naître le crédit, qui n’a jamais été malheureusement fort étendu en France. Il ne faut pour cela, d’ailleurs, ni de grands efforts, ni surtout des mesures excentriques, qui manqueraient certainement tout leur effet. Une seule chose est nécessaire, la liberté, non point cette liberté menteuse dont on prétend que nous jouissons, mais une liberté véritable, qui n’ait point à compter avec le monopole.

Comme l’établissement des banques a été jusqu’à présent suivi presque partout de perturbations commerciales plus ou moins graves, devenues, dans certains pays, en quelque sorte périodiques, on est en général porté à croire que ces accidens funestes sont un résultat inévitable de l’institution même. Par une conséquence assez naturelle, on suppose aussi que la multiplication de ces établissemens ne pourrait tendre qu’à engendrer des commotions plus fortes. Si une seule banque, instituée, par exemple, à Paris ou à Londres, avec un privilège spécial, et agissant sous le contrôle du gouvernement, devient déjà, même malgré elle, par ses émissions de billets et ses escomptes, la cause ou l’occasion de tant de cruels désastres, que sera-ce de plusieurs banques établies côte à côte et opérant en concurrence dans le même lieu ? A coup sûr, elles s’efforceront, à l’envi les unes des autres, d’imprimer au commerce cette excitation fébrile dont l’expérience