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la vue, pour qu’il n’y ait pas de témoins de cette faiblesse. Ochijeh, lorsqu’il admit les Anglais en sa présence, parut vêtu d’une ample robe de fabrique indigène, couverte de broderies d’or aux dessins fantastiques ; sous cette robe, on en pouvait voir une autre en velours rouge, et, à en juger par l’immense rotondité du personnage, il n’est pas douteux qu’il ne portât plusieurs autres vêtemens de même espèce au-dessous de ceux qu’on apercevait. Un pantalon écarlate, de grandes bottes de cuir ornées d’une multitude de sonnettes que le monarque se plaisait à faire tinter continuellement, un chapeau conique, dans le genre de celui du roi d’Aboh, avec l’addition d’une plume plantée au sommet, et des boucles d’oreilles en ivoire, aussi larges que les oreilles mêmes, complétaient la parure royale du monarque.

La scène qui s’était passée à bord de l’Albert, entre le roi Obi et les commissaires britanniques, lors de la conclusion du traité avec ce chef, recommença dans la cour du palais d’Ochijeh. Celui-ci fit les mêmes objections que son voisin d’Aboh ; mais toutes les difficultés furent levées par l’exhibition opportune d’une liste contenant l’énumération des présens qu’offrait au roi le gouvernement anglais. Dès qu’il eut connaissance du contenu de cette liste, Ochijeh rompit brusquement la conférence en déclarant qu’il n’avait rien à dire de plus, mais qu’il serait bien aise de voir les cadeaux dont on lui parlait. Du reste, il avait montré, lui aussi, beaucoup d’impatience pendant les longs discours des commissaires, et il répétait fréquemment : « Quand vous aurez tout dit, je répondrai. » Le traité fut signé le 4 septembre. Toutes les conditions proposées furent acceptées. « On perdit beaucoup de temps en complimens des deux parts, dit M. Allen ; mais, dans le cours de la conférence, le nom de notre auguste et bien-aimée souveraine ayant été prononcé, ce nom excita parmi nous un élan de loyauté enthousiaste, et nous nous écriâmes : — « Dieu bénisse la reine ! » À ce cri, notre musique répondit par l’exécution de l’hymne national, que tous les officiers écoutèrent debout, la tête découverte, malgré les ardeurs du soleil d’Afrique. »

Les beaux jours de l’expédition finissent en cet endroit du fleuve. Désormais le voyage ne sera plus qu’une succession de désastres. Au moment même de la conférence avec le roi d’Iddah, la fièvre faisait son apparition à bord de l’Albert ; l’un des chauffeurs était la première victime de cette cruelle maladie. Trois jours n’étaient pas écoulés, et déjà le Niger avait reçu sur ses bords la dépouille de ce malheureux. Peu d’heures avant qu’il eût rendu le dernier soupir, le fléau avait atteint deux autres hommes de l’équipage. À partir de cet instant, il s’établit en permanence sous les ponts des trois navires ; il s’étend, il se propage. Chaque jour ajoute un nouveau malade à la liste de ceux qui gisent dans leur hamac. Bientôt les chefs, effrayés des ravages