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parlèrent de l’abolition de la traite ; il répondit qu’il serait fort content contribuer, mais qu’il ne pouvait rien faire sans connaître les intentions du chef des Fellatahs. Enfin il fut impossible de rien obtenir de ce pauvre souverain. Quand les Anglais le quittèrent, il leur dit riant : «  Dieu vous bénisse et vous protége ! » Ces mots furent prononcés en tremblant, car en ce moment quelques Fellatahs l’observaient de loin.

Egga est une grande ville qui ne réunit pas moins de dix mille habitans. Malheureusement l’expédition était hors d”état, on le sait, d’y utiliser son séjour. Il fallait d’ailleurs renoncer à pousser plus loin le voyage. Parmi tout l’équipage de l’Albert, huit hommes seulement restaient debout : un matelot, le sergent des soldats de marine et un ses subordonnés, le capitaine d’armes, un contre-maître, l’infirmier, le docteur Stanger, géologue, et le médecin de l’expédition, M. Mac-William.

Le 6 octobre, on commença à descendre la rivière, le docteur Stanger faisant le service de la machine à vapeur. Dans le cours de la journée, le navire toucha trois fois, mais on parvint heureusement à le dégager. Le 8, un des officiers, dans le délire de la fièvre, monta sur le pont et se jeta par-dessus le bord. Le 9, on mouilla devant la ferme-modéle, qui comptait à peine de quinze à vingt jours d’existence. Le directeur de cet établissement, M. Carr, homme de couleur ; le maître d’école, M Kingdon ; le jardinier, M Ansell, étaient confinés dans leurs lits par la fièvre. En outre, la mésintelligence régnait au sein de la petite colonie. Le désordre y était au comble. En conséquence, on embarqua les malades, et l’établissement fut laissé à la garde exclusive d’Africains, sous la conduite d’un nègre créole né dans les colonies américaines. Le 10, on revit la ville d’Iddah. En cet endroit, le dernier matelot capable de faire le service à bord alla grossir la liste des malades. L’Albert se retrouva devant Aboh le 12 octobre, et le roi Obi s’empressa de fournir à l’équipage, dont on lui laissa ignorer la détresse, le bois et les rafraîchissemens nécessaires. Le 13, enfin, on rencontra le navire l’Ethiope, conduit par le capitaine Becroft, qui avait encore une fois remonté la rivière pour sauver ses compatriotes d’une perte certaine. En effet, MM. Mac-William et Stanger succombaient à la fatigue, et, sans l’arrivée de M. Becroft, l’Albert eût peut-être été abandonné au milieu du courant et livré à la rapacité des indigènes. L’Albert sortit du Niger le 17 octobre ; il y était entré le 13 août. L’équipage de ce navire était donc resté près de deux mois dans le fleuve. On calcule que les eaux du Niger atteignent leur niveau le plus élevé, vers septembre. À partir de cette époque, elles se retirent, laissant à découvert les terres basses, qui deviennent alors des foyers pestilentiels.