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inhospitaliers ; il a vu son équipage décimé par les insulaires à presque toutes ses haltes ; enfin il a été jeté, par un gros temps, sur l’une des îles voisines de celle de New-Britain. Onze naufragés, y compris le capitaine, le subrécargue et le héros de cette aventure, reçurent d’abord un accueil empressé des naturels, à tel point que le subrécargue eut l’honneur de devenir le gendre du chef de l’île ; mais, au moment où ils étaient le plus activement occupés de la construction d’un petit navire, dont le brick échoué leur fournissait les matériaux, huit hommes avaient été tout à coup tués et presque aussitôt mangés. En vain les naturels cherchèrent-ils à rassurer les survivans ; le capitaine, le subrécargue et Selwin s’empressèrent de prendre la fuite sur le frêle canot qu’ils avaient achevé de construire. Ils comptaient trouver dans une île voisine un plus sûr abri pour eux et leurs familles. Là encore, leur mauvaise étoile les avait poursuivis : le subrécargue n’avait pas tardé à succomber aux atteintes d’une mélancolie noire ; un requin monstrueux avait dévoré le capitaine du Thomas ; Selwin était resté seul avec sa femme et la veuve du malheureux capitaine. Telle est l’histoire que raconte le pauvre matelot au docteur Train, capitaine du brick le Hound, qui, après quelques jours passés dans l’île, propose au solitaire de le ramener en Europe. Celui-ci, sans avoir pu s’accoutumer complètement à la vie sauvage, est déjà déshabitué de la vie civilisée, et il dit tristement adieu aux premiers compatriotes qu’il ait vus depuis sept ans, partagé entre la douleur de les voir partir et l’affliction de ne pas oser renoncer à la singulière existence qui est devenue chez lui une seconde nature. Triste contradiction du cœur humain ! Seule entre toutes, la race anglaise ajoute encore chaque jour des types nouveaux à cette grande famille d’aventuriers intrépides dont le Robinson de Daniel de Foë est le représentant idéal. Voilà déjà deux de ces caractères étranges qui s’offrent à l’observation de M. Coulter, Stevenson et James Selwin ; nous n’irons pas loin sans rencontrer une troisième variété du même type. Sur tous les points du globe, la nation anglaise jette ainsi des misanthropes fugitifs, aussi impatiens de s’isoler que ses marchands le sont de former des relations nouvelles ; ceux-ci ne pensent qu’à exploiter leurs semblables, ceux-là ne songent qu’à les fuir.

En quittant les îles Kingsmill, le Hound reprend la route de Tahiti. Nous ne le suivrons pas dans ses longs détours à travers les îles de la Polynésie ; nous avons hâte d’arriver à l’épisode le plus dramatique du voyage : nous voulons parler de la descente du capitaine Trainer et du docteur dans la Nouvelle-Guinée. On nomme ainsi une île d’une étendue considérable, située au nord de l’Australie, dont elle n’est séparée que par le détroit de Torres. Arrivé en vue de cette île, le Hound jette l’ancre dans une large baie, au pied de volcans qui projettent chaque suit sur