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III

Cette manifestation de la volonté du peuple semblait devoir imprimer à l’assemblée nationale un élan irrésistible vers les principes d’ordre. L’assemblée a-t-elle suivi cette impulsion ? nous n’avons pas l’intention d’examiner ici la conduite de ceux à qui furent confiées les destinées de la nation ; nous nous bornerons seulement à signaler quelques-uns de leurs actes qui les ont écartés et enfin séparés du sentiment du pays.

Les premiers travaux de l’assemblée avaient une grande importance et devaient être décisifs. Les représentans discuteraient-ils le principe du gouvernement ? Auraient-ils à se prononcer sur les institutions républicaines, ou bien prendraient-ils cette question comme résolue par le fait même de la révolution de février ? Le droit était entier pour les constituans. Ils tenaient leurs pouvoirs du suffrage universel, et, d’après la doctrine même des hommes qui s’étaient emparés de l’autorité le lendemain de la chute de la monarchie, ils pouvaient se dire les organes de la volonté du peuple, et à ce titre faire acte de souveraineté. Certaines circonstances leur imposaient l’obligation d’user de la plénitude de leur droit. Le gouvernement provisoire avait déclaré, dans sa première proclamation, « qu’il ne se considérait qu’investi momentanément du soin d’assurer et d’organiser la victoire nationale ; qu’il désirait la république, mais qu’elle ne serait proclamée que sauf la ratification du peuple, qui serait immédiatement consulté[1]. »

Nonobstant la réserve contenue dans ce document et après l’adhésion trop confiante qu’il avait provoquée en faveur du nouveau gouvernement, une seconde proclamation était survenue pour déclarer l’abolition de la royauté et l’établissement définitif de la république. Le rapprochement de ces deux actes avait profondément blessé le pays ; le second témoignait d’une singulière méfiance de la volonté nationale. On se demandait s’il était possible que quelques hommes issus des barricades, comme ils le disaient eux-mêmes, eussent le droit de disposer de la France et de lui imposer une forme de gouvernement. C’était là une grave difficulté, et de la solution donnée à cette question allait dépendre l’existence même de la révolution. La commission de l’Hôtel-de-Ville le comprit à merveille : elle prévoyait que, si la discussion s’ouvrait sur ce terrain, on courrait risque d’être ramené, par l’opinion dont la majorité des représentans était animée, bien en-deçà du 4 février. En présence d’un si grand danger elle eut recours au moyen qui avait assuré son premier succès, à l’audace. Elle résolut de comprimer la liberté de l’assemblée par une force extérieure et d’empêcher le

  1. Proclamation du 24 février.