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Pourquoi donc deux chambres ? Ce serait ou une superfétation embarrassante, une complication de rouages qui exposerait la machine politique à se briser au moindre choc, ou une provocation à la vanité et à la faiblesse des hommes pour recréer peu à peu une aristocratie.

Mieux encore que les partisans des deux chambres, le pays répondait à cette fausse théorie. Dans les élections, les suffrages se distribuaient avec un bon sens et une rectitude admirables ; les candidats étaient classés selon leur aptitude, les uns au conseil municipal, les autres au conseil du département. Ils étaient appréciés d’après leur caractère, leurs précédens, la nature de leur esprit. Les membres des assemblées départementales étaient choisis particulièrement parmi les hommes les plus distingués par leurs talens et leurs services. L’autorité d’une position acquise, le reflet d’un nom déjà célèbre, le souvenir d’un passé honorable, l’indépendance qu’assure la fortune, déterminaient habituellement le vote des électeurs. Le peuple, avec un discernement qui trompe ses flatteurs, tenait compte de ces circonstances, étrangères, on en conviendra, à ce qu’on appelle l’élément démocratique.

Le parti révolutionnaire a commis une grande faute, lorsqu’il a fait rejeter les deux chambres. Il n’avait de chance de se fortifier que par l’accession continuelle des hommes nouveaux, tout naturellement portés aux innovations et aux hasards de la politique ; de lui-même, il s’est privé de cette ressource. Une assemblée unique met forcément en concurrence les hommes nouveaux avec les notabilités du pays. Le lendemain d’une révolution, l’attrait de la curiosité a pu pousser les populations vers des noms encore inconnus ; mais, le sentiment de la conservation réveillé, les talens éprouvés et les réputations faites reprendront leur empire. À défaut d’un sénat, la représentation nationale se recrutera parmi les personnes qui, dans la pairie et dans les chambres de la monarchie, se sont acquis une réputation de savoir et de patriotisme. Nous ne nous plaignons point qu’il en soit ainsi, car long-temps encore, au lieu de précipiter, nous aurons besoin d’enrayer le mouvement démocratique. Nos adversaires ont trop compté sur la mobilité du caractère français. Nos idées changent vite, il est vrai, mais nos mœurs résistent. Nous médisons des supériorités et cédons à leur influence


V

L’histoire du mouvement dont nous indiquons ici les phases principales démontre assez que, dans les occasions les plus importantes, l’opinion publique s’est trouvée en désaccord avec l’assemblée. Au peu d’action que les départemens ont exercée sur elle, on dirait que ses